Yiannis Hadjiaslanis est un photographe basé à Athènes, en Grèce. Il est membre de Depression Era, un collectif fondé en 2011 pour articuler un discours commun et prendre position contre les transformations sociales, économiques et politiques extrêmes de ces dernières années. Aujourd’hui, le collectif rassemble trente-six artistes, photographes, écrivains, commissaires d’exposition, graphistes et chercheurs soutenus par l’organisation à but non lucratif Kolektiv8. L’Œil de la photographie s’est entretenu avec ce créateur d’images qui parcourt la Grèce à la recherche de récits à propos de son pays.
Quand et comment êtes-vous devenu photographe?
J’ai grandi dans une maison où l’amour de la photographie était déjà présent. Mon père et son père avant lui étaient des photographes amateurs enthousiastes. Pourtant, je crois que le facteur décisif de mon immersion dans le médium est intervenu à la fin de mon adolescence quand j’ai commencé à travailler en chambre noire: j’ai vraiment compris le processus photographique quand j’ai réalisé mes premiers tirages.
Chaque projet est dédié à un lieu spécifique (Archipel, Maroc, Chambres …) Comment choisissez-vous ces lieux?
Je pense que le fait d’être grec s’accompagne de connexions et d’associations entre ce qu’on appelle l’Est et l’Ouest. J’ai beaucoup voyagé et travaillé dans le sud-est de la Méditerranée, au Moyen-Orient et en Afrique, que l‘on considère tous comme des régions interdépendantes. Ces lieux faisaient partie du cours naturel des choses à la fois dans ma vie personnelle et pour des travaux de commande. Par exemple, juste après une résidence au Caire, j’ai été invité à faire une résidence et à diriger un workshop à Bahreïn. Quelques années plus tard, j’ai été choisi par l’Ambassade du Maroc à Athènes pour réaliser une série de photographies au Maroc à cause du travail que j’avais fait au cours de ces résidences.
Dans l’idéal, où serait votre prochaine destination photo? Pourquoi?
Depuis environ un an et demi, je travaille sur une nouvelle série de photos ici à Athènes. Cela faisait longtemps que je n’avais pas travaillé sur un projet dans ma ville natale et je poursuis ce projet en ce moment. Dans cette série j’examine les espaces intérieurs qui englobent divers récits historiques et nationaux associés au passé et au présent de la Grèce. Je prévois également de me mettre à photographier dans d’autres villes grecques pour ce projet.
Athènes semble faire partie de votre inspiration, qu’est-ce qui vous attire dans la ville et ses habitants?
Athènes est la ville où je suis né et où j’ai passé la plus grande partie de ma vie. C’est l’endroit que je connais le mieux, mais pour cette raison même il y a des moments où je trouve difficile d’y engager de nouveaux projets car la familiarité de la ville peut êtreun obstacle. Il m’a fallu trois ans pour démarrer le projet auquel je travaille depuis ma dernière série à Athènes. 2018 marque la dixième année que le pays souffre profondément de la crise de la dette. En tant que photographe grec, je pense qu’il est important de documenter et d’essayer d’interpréter les conditions sociales et les transformations actuelles.
Si vous deviez choisir la photo dont vous êtes le plus fier, laquelle choisiriez-vous?
C’est une question difficile. Il y a beaucoup d’images auxquelles je suis très attaché et de différentes manières. En ce moment, une des images que je choisirais fait partie d’une série de photographies de nuit que j’ai faites à Athènes en 2012 (série ‘After Dark’). C’est une photographie d’une ancienne colonne grecque reconstruite et d’une caméra de vidéosurveillance à l’entrée du Musée Archéologique National d’Athènes. En temps que bâtiment néoclassique, conçu sur la base de l’idéal du passé «classique» appliqué à la conception et à la génération de la république grecque modern, et produit de l’imaginaire national européen, il nous parle d’identités nationales, coloniales et géopolitiques, de surveillance et de contrôle.
Propos recueillis par Joséphine Faisant
Joséphine Faisant est une auteure spécialisée en photographie. Elle vit et travaille à Athènes, où elle déniche les talents locaux.