J’ai été invité par Lara Khaldi a produire une oeuvre dans le cadre de Jerusalem 2011 autour du thème « Sur le langage ». Ca faisait quelques années que je travaillais autour du paysage, avec Landscape of Darkness, Area C, In Exile notamment, et voulais poursuivre cette recherche sur le sujet. Je voulais aussi faire quelque chose avec mes archives, des photos prises il y a environ 5 ans, quand j’étais marié et que je prenais la route pour faire des photos. J’ai toujours classé mes archives par date. Quand je développe mes photos, je range les films les classe chronologiquement et non thématiquement. Du coup quand je parcours mes archives, je retombe toujours sur des photographies de mon ex et de ma vie passée. Je me suis demandé ce que je devais faire de ces images. Vivre avec, ou les mettre de coté ?
On m’avait a cette même époque demandé de réaliser un projet sur le mur et j’avais écrit un texte pour l’occasion. En réfléchissant a mon nouveau projet, toutes ces phrases se bousculaient dans ma tete. J’ai donc décidé de combiner ces deux éléments dans une narration originale qui se rapprocherait du film, un format que je voulais explorer depuis longtemps mais que ne pouvais pas puisque j’ai acheté un Nikon D700 au lieu d’un Canon 5D. J’allais donc utiliser la photographie sous forme de séquence, inspiré par La Jetée de Chris Marker.
Je travaillais a cette époque sur un projet avec Basma Al-Sharif, qui utilisait des sous-titres pour ses photographies, un procédé que je trouvais intéressant parce qu’il se rapprochait de mon intéret pour le cinéma. La vidéo pouvait également apporter une réponse a mes recherches sur la notion de temps dans le paysage, une question a laquelle j’étais confrontée depuis ma série Darkness of Lanscape, ou le temps de prise de vue était limité parce que les Israéliens intervenaient rapidement pour m’interrompre. Le temps est toujours dérobé, et je cherchais a jouer sur cette notion. Darkness of Landscape était une réponse a cette question : le temps permet a l’image de se révéler car l’oeil s’habitue a l’obscurité et saisit après coup son contenu. Le spectateur est donc confronté a cet impératif temporel. Le temps est également un critère essentiel du format vidéo. La séquence et le découpage imposent au spectateur un temps d’observation défini et je voulais dans son mon travail libérer le médium de cette contrainte.
C’est ainsi que j’ai réalisé On Love and Other Landscapes, en travaillant en parallèle sur un format et un concept né d’un questionnement sur la représentation du mur. Construit par les Israéliens, ce mur représente donc pour moi le coté israélien, non palestinien. Je voulais donc faire un travail sur le paysage qui parle du mur sans jamais le montrer. Ca me permettait d’interroger la notion de représentation. J’ai donc inventé une histoire d’amour avec une femme imaginaire qui m’a quitté au moment ou je la raconte. C’est un récit d’amour et de voyage. Les deux épisodes se croisent continuellement dans un questionnement de la mémoire et de la représentation. Une relation accentuée par le recours unique au paysage comme illustration. Je raconte une rupture et une histoire dans laquelle on ne garde pas de traces visuelles de quelque chose ou de quelqu’un dont on espère qu’il disparaitra un jour, comme pour s’en libérer dans le présent.
Le format final répond a ces différents niveaux de narration. La série se présente sous la format d’un livre grand format qui permet au spectateur de contrôler son temps d’observation et d’avoir un rapport intime au sujet par le toucher. Le papier est important, sa texture mais également le son qu’il produit au fur et a mesure que les pages se tournent. Cette alternance de silence et de son crée un rythme, celui de la narration, et introduit l’idée d’audio inhérent au cinéma. Le rythme est aussi définit par le texte, placé dans des blocs rectangulaires noirs – parfois vides – sur la bas de chaque image, accentuant la notion de silence. Ce leitmotiv esthétique répond a l’invariable format des photographies, imprimées dans le classique 12×15 cm sur une large page blanche, l’ensemble évoquant immanquablement un story board.
Une exposition aura lieu à la galerie Fares à Paris le 31 janvier 2013