En 2014, après avoir partagé pour un documentaire photo la vie des habitants de Christiania, la communauté libertaire de Copenhague, j’ai pris la route et suis parti plus au Nord, sur les traces du cercle arctique, loin du bruit, des communautés, le temps d’intégrer ce que je devais retenir de mon expérience en ville libre (« Christiania » : documentaire photo consultable sur mon site).
Sans autre carte que celle de remonter aux origines d’un nom de famille, le mien, dont je ne sais rien sinon ses sonorités vikings, j’ai erré de villes en rivages, de rivages en lacs, de lacs en îles, jusqu’au cap Nord.
Au gré des opportunités, des orages, de ce que la solitude m’ordonnait de faire, j’ai marché dans les forêts Suédoises, sur la toundra norvégienne, puis dans les marécages finlandais. Dormant dehors la plupart du temps, baigné d’un jour qui ne renonce jamais et qui vous poursuit jusque dans vos rêves, j’en suis revenu avec ce corpus d’images, huit semaines plus tard.
C’est un voyage où je suis allé les sens déréglés, libre de ce que m’avait offert Copenhague, amnésique déjà de Paris, pour y parler aux quatre éléments : l’air, l’eau, la terre et le feu, fondamentalement; mais aussi, peut-être, pour cracher au visage de la mort, là où elle se cache, c’est à dire au Nord, derrière l’horizon, ce que l’on fait durant les marches en direction des terres qui ont une fin.
C’est un berceau qui m’attendait, confusément je le savais : là-bas il y avait des pères, des géographies intimes qui connaissaient mon nom, et même si la réciproque ne fut pas vraie je suis allé vers eux comme on va vers soi, espérant en retour d’humaines questions, des réponses d’air, d’eau, de terre et de feu. Un voyage heureux en somme, heureux de la mélancolie d’être revenu « au commencement », et si je me suis trompé de route peu importe : là-bas j’étais seul, seul avec les dieux du Nord, j’ai marché vers eux et face à leurs enfants, mes frères, face au vent de Borée et aux râles de l’arctique.
C’est un voyage jusqu’au bout du jour, une conversation d’avec ceux qui furent avant moi, une étreinte, un cri peut-être, des retrouvailles après une longue absence, une longue absence en terre septentrionne.