Mai 1977. En face de moi un trentenaire élégant me dévisage et me demande tout de go si je suis tatoué. Nous sommes dans la rédaction du magazine Photo, et le rédacteur en chef du journal, Jean-Jacques Naudet m’apprend qu’il va publier sur six pages mes aventures dans les tribus urbaines ; Rockers, Teddies, Hell’s, etc…
Cette publication, dans le plus fameux des mensuels dédiés à la photographie va m’ouvrir les pages de l’hebdomadaire Paris-Match, et orienter mon destin…
Près de quarante plus tard, après deux échanges de mails, le même Naudet répond à ma proposition de publier des images du livre « Blousons Noirs » dans son e-journal, « L’œil de la photographie » : « Alors génial,12 photos et un texte ! »
L’enthousiasme est encore plus fort, et c’est un vrai bonheur de voir encore ces images publiées après que tant d’années n’aient pas altéré la passion de l’image et la disponibilité d’un grand éditeur de photographie.
Extraits du livre :
« Ils sont pour la plupart des fils d’immigrés : Italiens, Espagnols, Portugais, Polonais, quelques enfants de Maghrébins, dissimulant leurs origines, ou Français des colonies et d’outre-mer en quête d’un travail mieux payé. Leurs parents sont venus participer à l’épisode des Trente Glorieuses. Ils vivent dans le Paris des faubourgs ou dans les cités de la périphérie chez leurs « vieux », et se réunissent le samedi soir pour les virées sur les Champs ou à la Bastoche. Leur activité de fin de semaine se résume à boire des litres de bibine, se déhancher devant les guitares saturées des groupes de rock, faire la chasse aux « chevelus » pour les dépouiller de leur cuir ou de leurs santiags. C’est l’épreuve initiatique pour ceux qui veulent intégrer la bande. Leur arme pour terroriser l’adversaire se compose d’une chaîne de vélo (parfois de mobylette), d’une serpette d’électricien et, pour les plus vieux, d’un cran d’arrêt réglementaire – dont la lame est inférieure en longueur à la largeur de la paume de la main, environ 8 cm. »
« Avec Johnny, ce sont les nuits sans lendemain à boire de la bière, à provoquer l’embrouille. Il tient à peine debout et s’efforce d’éructer : « Bande de pédés, vous allez voir quand Johnny va donner ! ». Un jour de septembre, totalement bituré, il fait son numéro de cirque dans un bar de la périphérie, quand le patron se retire dans l’arrière-salle, revient avec un nunchaku, massacre mon Johnny. Il a eu le malheur de le provoquer en menaçant de lui « remonter les chaussettes ».
« Fin de semaine dans une ferme d’un pote des Hells à la campagne avec ceux de Répu. Opération méchoui, tout à la bière. On va initier une « Mama », une fille dévolue à la bande dans la terminologie Hells, et l’initiation consiste à la donner au Cochon (surnom d’un des Hells) qui possède, aux dires du groupe, un sexe énorme. Un peu en retrait des activités physiques, des accros à l’héroïne s’envoient en l’air dans la paille. Un des leurs, complètement défoncé, part tout seul en Harley pour le bout du chemin – to the end of the road qu’il disait. On le retrouvera plus tard en bord de route, une jambe brisée. Je picole un peu, mais pas trop. Il faut assurer les photos, et le mode programme n’existe pas. Blues a l’air fatigué. Il est avec sa femme, toute fine et mince. Elle le soutient, lui, le chef de cette bande de bons à rien. Retour sur Paris, le blessé est resté à l’hôpital. Leur slogan : « Vivre vite, mourir jeune, et faire un beau cadavre ».
LIVRE
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EXPOSITIONS A VENIR
• Les Blousons Noirs
Yan Morvan
A partir du 2 juin 2016
Galerie Thierry Marlat
2, rue de Jarente
75004 Paris
France
http://galerie-marlat.fr/yan-morvan
• Les Blousons Noirs
Yan Morvan
A partir du 2 juillet 2016
Les Rencontres d’Arles à la galerie Huit & la galerie SitDown
13200 Arles
France