Le photographe américain William Albert Allard raconte ses escapades photographiques à Paris
Je me demande parfois si je me flatte un peu trop, en utilisant le terme français « flâneur » en évoquant la façon dont je travaille quand je suis à Paris. Il est vrai pourtant que depuis plus de cinquante ans en tant que photographe, j’ai vraiment adopté l’attitude d’un flâneur, où que mes missions professionnelles et projets personnels me mènent dans ma quête d’images. Me promener tout simplement, et observer le monde autour de moi, voilà ma méthode de prédilection. Edmund White est auteur de The Flâneur: A Stroll through the Paradoxes of Paris (le flâneur, promenade à travers les paradoxes de Paris), un livre que je considère comme la bible de l’observation humaine, du moins pour ce qui concerne les rues de Paris. Je m’identifie facilement à « son promeneur, qui se perd dans la foule, errant sans but, au gré de ses humeurs et de sa curiosité ». Dans la profession, tout le monde sait que je travaille dans la rue.
Les événements et les lieux m’attirent comme des aimants. Je sillonne les ruelles en lacets des quartiers, je m’arrête dans un café ou un bar qui me fait de l’œil, je parcours les salles immenses des plus beaux musées, je fouille les coulisses des concerts et des défilés de mode… C’est là que j’aime mener mes explorations visuelles. Quelque soit l’endroit où je pars en quête d’image, j’y vais de manière fortuite. De toutes les villes que j’ai eu la chance de découvrir au cours de ma vie, Paris est la plus généreuse en hasards. White écrit que « Paris, plus que toute autre, est encore façonnée pour tenter le promeneur, lui faire miroiter les attraits d’une balade de plus, lui donner envie de marcher cinquante mètres encore, puis encore autant… ». C’est tellement vrai. J’ai toujours l’impression que la plus belle image se trouvera dans ces cinquante mètres, ou peut-être au prochain coin de rue.
Marcher dans Paris, c’est se promener parmi une infinité de pièces de théâtre en un acte, dont les scènes et décors, souvent splendides, changent en continu, peuplées à l’envie de personnages tout aussi beaux. Edmund White fait remarquer que « les Américains considèrent le trottoir comme un espace anonyme en coulisse, alors que pour les Français, il constitue la scène elle-même ». Il est dans le vrai, incontestablement.
Je nourris l’espoir que certaines des photos de ce livre et de cette exposition, des images tirées de trente-et-un ans de séjours – courts et moins courts, mais toujours trop courts – dans la Ville Lumière, éclairent les journées des lecteurs et visiteurs pendant de longues années à venir.
William Albert Allard
L’Américain William Albert Allard (né en 1937 à Minneapolis, Minnesota) est photographe documentaire. Il travaille depuis cinquante ans dans ce domaine, principalement pour le magazine National Geographic.