Caroline Mangez, rédactrice en chef de Paris Match et compagne d’Enrico Dagnino, nous parle de lui : « Des volutes de fumée s’échappant de son « Mac », cet ordinateur qui, lui tient lieu de bureau, de confident, d’oreiller : c’est cela Enrico quand il n’est pas sur le terrain. Le jour, la nuit, il traque l’info, capable de s’avaler les 40 000 documents secrets diffusés par Wikileaks entre son café du matin et le dîner. Se réservant avant de dormir la lecture d’un vieil opus sur l’art de la photographie chiné la veille le long des quais. Il est incollable, connaît l’histoire du photojournalisme sur le bout des ongles, le travail de ses prédécesseurs et contemporains qu’il admire, au détail d’une image près.Je ne vais pas vous dire que c’est un type formidable, je le connais trop bien… Entre nous aucune objectivité, il est le père de ma fille, nos vies se croisent depuis bientôt dix ans. Drogué à l’info, shooté au photojournalisme, il est infernal !
Depuis vingt ans, la vie qui passionne ce Génois d’origine (ascendant pirate) n’est nulle part, elle est ailleurs, partout où le Monde se déchire.
Pas le genre non plus à contourner les lignes de front, il fonce droit dessus. En 2006, à 46 ans, il avait encore l’énergie de détaler comme un lapin pour fuir une horde de Congolais armés de machettes courant à ses trousses…Fuir sa mort est le seul sport qu’il ait jamais pratiqué.
De temps en temps, quand il pose sa valise à Paris où il a établi sa base, Enrico plonge dans ses sacro-saintes boîtes qui s’empilent dans tout l’appartement pour en exhumer des tirages. Il dessine dessus, sa manière de revisiter « ses « conflits, son cheminement. Il peut passer un temps inouï à se perdre dans ces souvenirs : 1989, la chute du mur de Berlin, qui lui cheville le photojournalisme au corps, des dizaines d’allers-retours dans l’Ex-Yougoslavie qui explose, un détour par la Somalie, un stop Nagorno-Karabakh, de longs séjours en Israël et dans les territoires Palestiniens, l’Afghanistan au temps de l’invasion russe, celui d’après le 11 Septembre, l’Irak…Sans compter toutes ces tentatives démocratiques loupées au quatre coin de l’Afrique dont il ne manquerait un épisode pour rien au monde. Il n’a jamais l’impression d’en avoir fait le tour. Il mourra en orbite…Il ne court ni après les prix, à peine les parutions, il cherche sans relâche à comprendre ce que beaucoup préféreraient ne pas voir. Peut-être est-ce pour cela qu’en voyant s’aligner ses images implacables sur les murs d’une galerie, on peut éprouver une certaine gêne. La réalité sur laquelle il jette son regard cru est sombre, ses photos le sont aussi. C’est Monsieur «zéro concession », on le serait à moins…Son empathie existe, – à preuve ces dizaines de « sujets » qui continuent de lui donner des nouvelles, de l’appeler à la rescousse – , mais il la garde pour lui. Enrico Dagnino n’enjolive jamais rien, il s’en voudrait trop de le faire. C’est un véritable puriste. Un jour, dans un entretien publié par le magazine Photo, son confrère et grand ami Laurent Van Der Stockt a dit qu’il le considérait comme l’un des meilleurs photographes du monde. Enrico en a rougi, et moi je me suis dit que Laurent jetait ça comme une boutade à la face d’autres entrés au Panthéon de la profession de leur vivant aux noms bien plus célèbres. J’étais injuste. En découvrant cette rétrospective des photos d’Enrico Dagnino présentées à la galerie 2.8 à Washington, j’ai pris un peu de recul et je me suis dit que Laurent disait vrai. Dans le tourbillon d’images dans lequel nous vivons, celles-ci mérite qu’on s’y arrête. Ah j’oubliais, quand enfin, le soir, Enrico éteint son ordinateur en même temps que sa dernière cigarette, épuisé de sommeil, il lui arrive de faire des cauchemars. Si vrais qu’il se croirait dans l’un de ses reportages. »
A Propos de jean-Louis Atlan, le propriétaire de la galerie Zone2.8 de Washington :
“Après 36 ans de photos journalisme, à Sygma puis à Paris Match, j’ai pu continué a assouvir ma passion en créant un lieux dédié a la photographie. Avec Pascaline Steiner, tout aussi passionnée que moi par ce métier, et encore plus essentielle, nous avons ouvert Zone 2.8 a Washington. (www.zone2point8.com) . Une galerie pas tout a fait comme les autres puisque, en dehors de l’espace pour exposer, nous avons monté un labo noir et blanc complet pour traiter et tirer les photos prisent sur film ( du 24/36 au 5X5 inches). Dans un monde où ces labos traditionnels disparaissent les uns après les autres, nous offrons aux photographes la possibilité d’exposer des photos qu’ils aurons pu tirer eux même sur place ( ou en superviser l’exécution par notre assistant- expert en la matière.) Cette combinaison – galerie / labo argentique – permet d’exposer des séries limités ( Zone Séries) dont » l’acte de naissance » est précis et unique. Nous pouvons donc montrer au public, et proposer aux collectionneurs, des oeuvres dont le nombre de tirages sont garantis et dont on peut dire qu’elles sont vraiment » signées » par le photographe.
Jusqu’au 30 Novembre
Zone 2.8
1000 Wisconsin Avenue
Washington DC 20007