Pompéi est, en soi, une forme d’oxymore : c’est une ruine en constante évolution, c’est l’objectivité de l’existence et la subjectivité de l’expérience, le passé et le présent, le fossile et le vivant. C’est tout que l’on y a découvert, mais aussi tout ce qui s’y cache encore. C’est une ville et c’est un nom. Et c’est désormais le nom de la nouvelle série de l’artiste italienne Vittoria Gerardi.
A l’instar de la ville antique, plongée dans l’oubli par la catastrophe naturelle, puis révélée par l’utilisation des plâtres, Vittoria Gerardi utilise deux matériaux différents pour traduire visuellement la richesse de Pompéi. Sa mémoire est évoquée à travers la plasticité du plâtre et son « retour à la lumière » émerge comme une métaphore à travers le sel d’argent. « Les clichés que j’ai pu faire de la ville sont prisonniers dans l’espace réduit du négatif, ces images stagnent à la frontière de la latence avant d’être révélées par le tirage en positif. Mais à Pompéi, ce qui est dévoilé, demeure toujours quelque peu voilé ! » explique Vittoria Gerardi.
A l’image de l’inconnu persistent qui caractérise Pompéi, l’artiste ne dévoile dans ce travail qu’une partie de ses photographies. Alors que certains tirages argentiques sont plongés presque entièrement dans des sculptures en plâtre, ne laissant apparaître qu’une une ligne fragmentaire, abstraite, fluide, d’autres sont peints avec ce même plâtre lui permettant d’évoquer l’équilibre subtil entre ce qui a été découvert à Pompéi et ce qui reste encore enfoui.
Dans ses « sculptures photographique », les fragments de tirages qui émergent offrent à la vue attentive toute la richesse culturelle de Pompéi : un motif géométrique ici, de frêles petites feuilles là, les yeux peints d’un homme hurlant ou encore des pierres précieuses. Chaque sculpture, codée à l’aide d’une séquence de chiffres qui identifie la section de la ville dans laquelle l’image qu’elle contient a été prise, renferme donc sa propre mémoire, mais la soixantaine de pièces mises les unes à côté des autres révèlent une véritable structure urbaine. Les photographies peintes tout en délicatesse révèlent, quant à elles, à la fois la beauté de la ville antique et le regard poétique de l’artiste.
Les sculptures minimalistes et les photographies voilées forment ainsi une sorte de mosaïque dans laquelle chaque pièce recèle ses propres informations mais fait partie d’un tout. « Vittoria Gerardi a le don d’attiser notre curiosité et de susciter notre intérêt car toute la série mise sur la suggestion, plutôt que sur la simple monstration. La netteté est floue, la réalité est voilée, le monochrome est encore réduit. L’artiste utilise dans ses créations un processus de révélation qui passe par une action paradoxale de dissimulation. Prodigieux ! » conclut Thierry Bigaignon.
Vittoria Gerardi – Pompeii
Jusqu’au 10 novembre 2019
Galerie Thierry Bigaignon
9 rue Charlot, 75003 Paris