Du 16 juin au 16 septembre, le musée Nicéphore Niépce consacre une grande exposition à un chapitre majeur de l’histoire de la photographie, le pictorialisme.
L’ambition de ce courant esthétique international né vers 1890 était de faire admettre les potentialités créatives de l’image photographique en produisant des épreuves possédant des qualités d’art. Désireux de libérer la photographie de la simple fonction mimétique et documentaire à laquelle on la cantonnait depuis son invention, les adeptes de la « photographie artistique », comme on l’appelait alors, créent des images où domine le sentiment personnel, des images qui relèvent de la poésie et du rêve, qui suggèrent plus qu’elles ne montrent, produisant avant tout une impression pour susciter, chez l’observateur, un sentiment, une émotion esthétique. Pour ce faire, les « photographes artistes » recourent à l’interprétation, c’est-à-dire l’intervention de l’auteur dans le processus de création de l’image par divers moyens techniques destinés à en transformer l’aspect pour que d’un cliché (le négatif) naisse une œuvre d’art photographique (l’épreuve d’exposition). Au tournant du XXe siècle, le pictorialisme connaît un immense succès à travers le monde et compte des milliers d’adeptes qui diffusent leurs créations par le biais d’ambitieuses expositions internationales et de luxueuses publications.
Fruit de recherches et de découvertes récentes, l’exposition Visions d’Artistes – la première consacrée au pictorialisme depuis plus d’une décennie en France – propose une vision renouvelée et élargie de l’aventure pictorialiste à l’échelle européenne. S’appuyant notamment sur les collections du musée Niépce, riches des fonds Robert Demachy et Charles Lhermitte, mais également d’épreuves de Constant Puyo, José Ortiz-Echagüe ou Alfred Fauvarque-Omez, elle réunit plus de deux cents photographies, expression du talent de nombreux auteurs, certains célèbres, d’autres méconnus, d’autres encore restés totalement inconnus jusqu’à ce jour. La plupart des œuvres exposées le sont pour la première fois. Elles ont été réalisées sur plus d’un demi-siècle, des années 1890 à la fin des années 1950. L’exposition reconsidère en effet le récit traditionnel de l’histoire de la photographie en mettant en évidence la pérennité des idéaux pictorialistes après la Première Guerre mondiale, idéaux unis autour d’une ambition commune : créer des photographies qui ne se contentent pas de reproduire le réel mais qui l’interprètent, comme autant de visions d’artistes.
Le parcours de l’exposition se développe autour de quatre axes. Le premier, « À Rebours », met en évidence l’originalité de la démarche pictorialiste dont les adeptes se plaisent à prendre le contre-pied des conventions régissant leur médium : à la netteté, ils préfèrent le flou ; à une lumière uniforme, des effets de contre-jour ou de crépuscule ; à un temps clair et dégagé, les effets atmosphériques ; aux méthodes classiques de tirage, des procédés permettant l’interprétation. La très grande variété de ces derniers est au cœur de cette première partie qui évoque également les différents types de sujets traités et les multiples couleurs que le pictorialisme introduit en photographie.
La seconde partie, « Savoir Voir », s’intéresse à la manière dont les pictorialistes traitent leurs sujets en examinant tour à tour les points de vue, les jeux de lumière et les effets atmosphériques. On y découvre notamment toute une série d’épreuves de l’entre-deux-guerres qui démontre à quel point le langage graphique de la Nouvelle Vision imprègne – avec un retard certain – celui des pictorialistes de seconde génération. Ces derniers tirent ainsi abondamment parti des heureux effets produits par la plongée, la contre-plongée ou les plans rapprochés. Il en résulte des créations hybrides où l’approche du sujet relève de la Nouvelle Vision alors même que le traitement formel reste, lui, pictorialiste.
À travers trois thèmes – les classes laborieuses, la religion et l’orientalisme – la troisième partie étudie le rapport des pictorialistes au réel et leur attrait pour une forme de « Réalité Idéale » qui les conduit à chercher une vérité universelle dans des sujets contemporains dont ils s’emparent à des fins symboliques plus que sociales.
Enfin, la dernière partie de l’exposition explore la notion de « Variations » (dans l’acception musicale du terme) à travers notamment les collaborations entre photographes autour d’un même sujet et les transformations apportées à l’image, du cliché original (le négatif) à l’œuvre finale (l’épreuve d’exposition). Le parcours s’achève sur des déclinaisons d’épreuves issues d’un même négatif qui mettent en évidence le caractère unique des épreuves pictorialistes, chaque version d’un même sujet étant nécessairement différente car issue non pas d’un processus mécanique mais d’une interprétation artistique (rendue possible par la très grande malléabilité des procédés de tirage employés).
Visions d’Artistes s’accompagne d’un catalogue par Julien Faure-Conorton, commissaire de l’exposition (éditions Cahiers du Temps, 20 €).
Visions d’Artistes : photographies pictorialistes, 1890-1960
du 16 juin au 16 septembre 2018
Musée Nicéphore Niépce
28, Quai des Messageries
71100 Chalon-sur-Saône