Les traditions n’ont pas la vie facile de nos jours, et comme quelqu’un l’a noté pendant une période où elles s’effondraient aux États-Unis, je suis très attaché à elles. Une tradition persistante et de grande valeur du Visa pour l’image est le déjeuner privé tenu en l’honneur des photographes, organisé par le directeur du festival, Jean-François Leroy, son équipe incroyable (au sein de laquelle j’ai surtout eu affaire à Sylvie Grumbach et Delphine Lelu) et les sponsors tels que Canon et Central Dupon Images Lab. C’est une occasion assez spéciale et intime, comme nous l’avons découvert. Tereza et moi sommes montés à bord du bus avec les autres photographes dont le travail était présenté au festival de cette année et immédiatement nous nous sommes faits de nouveaux amis de photographes que nous admirons depuis des années. (C’est la première fois qu’un photographe est autorisé à partager des photographies de ce repas avec le public, et donc votre chroniqueur vous en présentera quelques-unes dans ces pages).
D’abord nous avons rencontré le photographe vétéran Nik Wheeler – dont j’ai toujours apprécié le travail quand j’étais jeune et que je commençais dans la presse magazine – et l’actrice Pamela Bellwood, puis Mathias Braschler et Monika Fisher, et leur enfant Elias, qui ne pleure jamais. J’espère que nous les recroiserons à New York maintenant que nous savons que nous ne vivons qu’à un pont de distance. Puis j’ai été formellement présenté à Stanley Greene, qui m’a rappelé que nous avions tous les deux commencé dans le même vieux journal d’une petite ville. C’était incroyable de se rappeler ça. Que ce monde est petit ! Nous sommes bientôt sortis du bus, verres à la main, et nous nous sommes tous assis devant un incroyable assortiment de côtes d’agneaux, de vin, et de desserts au Mas Chabry.
Les lecteurs un peu plus vieux doivent peut-être se rappeler de la série des livres Day in the Life, où chaque année cent photojournalistes étaient invités à réaliser des photographies pendant vingt-quatre heures pour un livre réalisé chaque année dans un pays différent. Ce déjeuner m’a rappelé ces extraordinaires rassemblements. Ici, JFL a réuni au sein d’un seul groupe un tel panel de vétérans et de jeunes photographes, avec leurs personnalités complexes, leurs idées, leurs projets, leurs espoirs pour des photographies encore à faire, donnant lieu à une pléthore de riches conversations qui ont commencé à la minute où nous sommes entrés dans le bus et n’ont pris fin que lorsque nous sommes revenus au Palais. Whaou ! C’était vraiment fun.
Normalement, les photographes sont plutôt compétitifs. Ici, ce n’était pas le cas. Nous sommes tous lucides sur la difficulté de survivre de nos jours et je pense que cela nous mène à la prise de conscience partagée que nous devons nous aider les uns les autres autant que possible. Chacun de nous devait ressentir un brin de fierté à l’idée de faire partie de cette réunion, et je suis sûr que tous pensaient au travail derrière eux qui les avaient menés jusqu’ici, ainsi qu’aux challenges qui les attendaient. Mais au moins, nous avions le réconfort de nous retrouver dans la compagnie les uns des autres. Et malheureusement, comme me l’a rappelé Jean-François, ce déjeuner est unique en son genre. Si nous n’avons pas d’exposition programmée ici l’année prochaine, j’ai bien peur que nous finissions tous au café en train de boire du vin rouge tandis que le prochain groupe à l’honneur pourra apprécier sa chance. Ce qui est dans l’ordre des choses, la roue tourne… et maintenant nous nous dirigeons vers les aventures du soir et la perspective du retour à la vie réelle. Jusqu’à l’année prochaine – en espérant vous y retrouver !
Doug Menuez