Charles Ommanney est un photographe de la Maison Blanche qui il a suivi de George W. Bush à John Kerry puis Barack Obama. Laurence Haïm est une journaliste vivant aux Etats Unis depuis près de 30 ans, accréditée à la maison blanche et correspondante de Canal + et iTélé.
Ils sont suivi la campagne présidentielle française, c’est devenu un livre publié chez Albin Michel, Laurence Haïm explique dans sa préface :
L’homme politique s’avance dans un immense hangar vide de l’aéroport de Jacksonville. D’habitude, il y a des avions cargos. Là, un candidat marche seul avec sa femme blonde, encerclé par un cordon de costumes noirs. Comme au théâtre, de grands rideaux de velours bleus ont été installés pour le protéger des regards extérieurs. Un autre homme observe. Le photographe Charles Ommanney parvient, à travers le tissu, à saisir le candidat avec son objectif. Comme d’habitude, il tente de capturer l’instant important d’une élection.
Ommanney n’aime pas être étiqueté photographe politique. La politique est une « pièce » de son monde et le monde est sa maison. Dans les années 1990, cet Anglais a couvert l’Afrique de l’est et centrale avant d’émigrer aux États-Unis. Pendant plus de dix ans, il a suivi la Maison Blanche pour l’hebdomadaire Newsweek. De George W. Bush à John Kerry puis Barack Obama. Il fait toutes les campagnes. Comme beaucoup, il a souvent interrompu ses activités pour aller saisir des « breaking news » comme l’ouragan Katrina à La Nouvelle-Orléans ou le tremblement de terre d’Haïti. L’année dernière, en Afghanistan, il a photographié les enfants kamikazes sur la frontière pakistanaise et le départ du général Petraeus de la région. Un photographe qui, dans la crise économique traversée par la presse, défend au mieux sa vision. Depuis 1992 je connais son travail. En tant que correspondante aux États-Unis du groupe Canal+. Depuis toujours, le photojournalisme me semble être l’âme de notre profession. Ceux qui font de ce métier leur vie sont en général des êtres passionnés et des écorchés vifs. Pendant des années, reporter à l’agence CAPA, puis à CBS News, j’ai eu le privilège de travailler avec les plus grands photographes revendiquant un journalisme loin de l’audimat, basé sur l’émotion et la sincérité. Je respecte infiniment ces reporters qui sont capables de capter l’instant de vie ou de mort d’un événement. Ces hommes et ces femmes donnent envie d’aller plus loin et de dépasser les limites. On se souvient toujours d’une guerre, d’un événement historique par une photo. Rarement par une vidéo. J’ai eu envie d’imposer à la télévision une nouvelle écriture basée sur l’émotion au moyen d’images fixes. Un format inhabituel « photo-vidéo-journalistique ». Cela tournait dans ma tête depuis longtemps… J’éprouvais la nécessité de retrouver un certain sens du métier, loin des Ken et Barbie de notre époque.
Cet hiver 2012, j’ai vite compris que l’élection française allait envahir le temps de parole consacré à l’actualité américaine. J’étais certes sur une campagne mais pas celle du moment. Les meetings avec Mitt Romney, Newt Gingrich et Rick Santorum n’intéressaient pas la planète France. Fréquent dans une vie de correspondante et compliqué à gérer. Il fallait donc trouver une idée pour suivre la campagne du printemps.
En rencontrant Ommanney à Jacksonville, je me suis lancée sans réfléchir, en une fraction de seconde. Je lui ai demandé s‘il « serait intéressé pour couvrir l’élection présidentielle française ». L’oeil bleu s’est allumé. Réponse lapidaire : « I will love it. » Notre dialogue a duré moins de 25 secondes. Le temps d’échanger nos cartes de visite. Ensuite on a négocié par e-mails. Ce projet a suscité beaucoup de réticences. Mes interlocuteurs et mes amis ne mesuraient pas « l’intérêt de deux journalistes made in Amérique débarquant sur une campagne française surmédiatisée ». Ce fut sans doute l’une des périodes les plus difficiles de ma vie professionnelle. Je sentais pourtant qu’on allait créer quelque chose de nouveau, mais sans parvenir à l’exprimer. C’est souvent le cas quand j’ai en tête un reportage important. Pendant ce temps, Charles faisait le tour du monde pour un magazine en photographiant les dirigeants du mouvement Occupy Wall Street. Je le tenais au courant de la situation par e-mail. Ses réponses, « LOVE TO DO IT » en lettres majuscules, m’ont probablement beaucoup aidée. Notre working couple était né !
Finalement début avril, on a obtenu le « Ok » final de la chaîne i>TELE. En l’apprenant, il a juste écrit sobrement : « Fantastic. »
Lorsqu’on est arrivé à Paris, on ne se connaissait toujours pas et on ne s’était jamais parlé plus d’une minute… Beaucoup de questions ont été posées sur notre duo ou sur le travail de Charles. À l’occasion de quelques dîners, Charles s’est un peu confié mais, de manière générale, lui et moi ne parlons jamais de la réalité du terrain. On montre ce qu’on voit. On raconte ce qu’on perçoit. No self promotion. And that’s it.
On a donc débarqué sur cette campagne française avec notre esprit américain. On ne connaissait personne. On voulait montrer les faits. Sans opinion.
Pour nous deux en ce printemps 2012, c’était simple the place to be was France.
Laurence HAIM
Charles Ommanney & Laurence Haïm
Made in France, la présidentielle dans l’œil américain
Editions Albin Michel
Prix de vente : 29,90 €