Ce livre immersif publié par André Frère Éditions ouvre un fenêtre sur un territoire sombre et acéré, qu’on dirait surgi de l’époque de la révolution industrielle. À sa première visite dans le port très fermé de Dunkerque, un lieu presque entièrement dédié à l’acier et au charbon, c’est le concept de l’anthropocène – cette « ère de l’humain » – qui s’impose au photographe. Les pieds dans la boue de minerais, Vincent Jendly nous jette dans ce lieu gigantesque et crasseux, un paysage transformé à l’extrême, offrant une vision suggérant presque un effondrement imminent. Une livre sans détour qui laisse entrevoir l’ampleur des marques que nous laissons à une échelle terrestre, faisant maintenant de nous une véritable force géologique.
Vincent Jendly écrit :
En découvrant le port de Dunkerque, les pieds dans la boue de charbon, j’ai eu l’impression de fixer une sombre figure du passé, surgie du temps de la révolution industrielle. J’avais devant moi un paysage recouvert de mélasse et de poussière noires, brutal et crasseux, transformé à l’extrême, une incarnation sombre et spectaculaire de l’anthropocène, cette « ère de l’humain », une de ces visions qui suggèrent un effondrement imminent, avec des allures presque apocalyptiques. Une perspective hypothétique mais tout de même : l’ampleur des marques sur ce lieu gigantesque me faisait percevoir l’estampille de mes congénères à une échelle terrestre. D’ailleurs, c’est effectivement le cas : l’impact de nos activités est tel que l’homme devient une force géologique. Nous sommes en train de créer de nouveaux types de sédiments à venir comme le plastiglomérat, une strate de roches qui sera composée en grande partie de microplastiques, répartie sur tout le globe.
Autre nouveauté pour les paléontologues du futur : à cause de la disparition de la mégafaune sauvage et de notre impact sur les espèces en général, 93 % de la biomasse des vertébrés terrestres sont déjà constitués d’espèces domestiques, vaches en tête, qui couvrent nos appétits déraisonnables de viande. Il est même probable que d’ici trois siècles la vache devienne le plus grand animal sur Terre, prévision presque incroyable. Dans les fouilles du futur, est-ce ce qui va rester de nous ? Des fossiles de vache et un millimètre de particules noires ?
Vincent Jendly : One millimeter of black dirt, and a veil of dead cows
André Frère Éditions
Photographies: Vincent Jendly
Textes: Aurélien Delpirou et Vincent Jendly
Design: Nicolas Polli
76 photographies, bichromie
144 pages sur trois papiers différents
22,6 x 30,5 cm
Couverture souple sous jaquette vinyle imprimée en sérigraphie
Français/anglais
55€ — 200€
https://www.andrefrereditions.com/livres/photographie/one-millimeter-of-dark-dirtand-a-veil-of-dead-cows/