Malgré les apparences, l’acte est photographique. Le protocole est précis, la technique est simple : 2 photographies en surimpression, sans aucun autre artifice.
En tant que photographe d’architecture, je photographie volumes, perspectives, espaces, matières… en tant que photographe auteur j’ai souhaité manipuler ces éléments, les transformer en matière première d’une nouvelle œuvre.
Volumes recomposés, perspectives combinées, matières superposées. Le résultat est une étrange représentation de l’espace, une déconstruction du réel. L’œil cherche à reconstruire les deux images originelles, en vain… il se perd, se raccroche à un détail, indice d’une réalité, et se perd à nouveau. L’observateur accepte finalement l’impossibilité de distinguer les deux images, les deux espaces, il s’abandonne à l’observation de l’espace recomposé.
« entre-deux » évoque le temps suspendu, ce moment où le lieu a perdu toute fonction. Il n’est plus et n’est pas encore. Mobiliers et objets qui auraient pu signifier la fonction ont disparus. Le marquage de chantier aux couleurs criardes annonce une mutation à venir, mais reste peu signifiant pour déterminer le devenir du lieu.
Vincent Fillon
A partir d’un travail que l’on pourrait qualifier de documentaire (…) et grâce à une manipulation aussi simple et connue de longue date que la superposition (…), Vincent Fillon nous invite à un voyage dans le temps et l’espace.
Le temps présent, celui de la prise de vue, est la porte d’entrée vers une exploration du passé. Les travaux de curage font apparaître en profondeur, entre les écailles de peinture et l’ouverture des fissures, les différentes couches chromatiques identifiant les étapes de l’histoire du lieu. Le temps futur se dessine à la peinture fluorescente avec des signes d’apparence mystérieuse dont les codes booléens indiquent la suppression (une croix) ou l’ajout (la ligne contour du nouveau mur). Le projet architectural s’insère dans l’existant, le futur s’imbrique dans le passé.
Au télescopage temporel s’ajoute une mise en abîme spatiale. L’appareil devient kaléidoscope et le photographe prestidigitateur. Car de la superposition de deux réalités nait un songe : les surfaces et les matériaux que l’image très nette rend si tangibles nous entrainent dans une succession d’espaces chimériques, que l’apparence photographique rend bien réels. Plutôt qu’un entre-deux, nous voyons apparaître un au-delà. Une très belle page ajoutée à l’imaginaire spatial collectif que les artistes, cinéastes et écrivains ont bâti au fil du temps en marge de l’espace construit.
Mathurin Hardel, architecte
Vincent Fillon: Entre-Deux
Du 15 mai au 15 juin 2013
Little Big Galerie
45 rue Lepic
75018 Paris
France
Tel : +33 (0)1 42 52 81 25