« C’est une grande aventure qui commence, un sacré coup d’accélérateur. C’est l’Award qui confirme qu’il faut y aller ».
A 27 ans, Achille Coquerel et Thomas Kauffmann sont les lauréats de la catégorie “Expérimental” des Viméo Awards 2012. Réalisé avec deux appareils photos (un Canon et un Panasonic), leur court métrage intitulé “Prie Dieu” s’est démarqué des 2.500 réalisations reçues. Une année prolifique pour le festival, ses Awards ont totalisé 14.567 candidatures venues de 147 pays. “Durant la soirée de présentation du 7 juin, ce fut une explosion de joie ! On a vécu un rêve, c’était incroyable. Au-delà du prix, nous étions au coeur du festival et durant deux jours, nous avons fait de trés belles rencontres professionnelles. Sur Viméo nos productions sont passées de 40 vues par jour à 1.500. Lorsque l’on sait qu’aujourd’hui, les réalisateurs, les boîtes de production, de post-prod et les agences digitales choisissent aussi leur collaborateur dessus, c’est stimulant !”
Revenus la veille de New-York, Achille et Thomas sont les seuls français à avoir été lauréats d’une catégorie. “Ce qui est étonnant car en France, il y a un réel dynamisme et un bon vivier en terme de création. En général, les productions sont plus originales. Nous nous connaissons bien car nous travaillons en binôme depuis sept ans au sein d’un studio de création. Grâce à Viméo et à l’apparition de la fonction vidéo dans les appareils photo, nous avons pu lancer nos propres productions, développer notre laboratoire visuel : Cokau (contraction du début de leur nom) et nous faire remarquer.”
Au-delà du festival, Viméo est un vrai outil pour les créatifs. “Juste avant les résultats et grâce à la plateforme, nous avions déjà eu une commande pour la réalisation d’un générique d’un polar. A l’annonce du prix dans la communauté, les choses se sont accélérées, on nous a demandé d’intervenir sur plusieurs productions : une série télévisé produite à Vancouver, une publicité pour une agence française et une autre pour une agence en Amérique du Sud. Un tel développement est possible grâce au levier que représente le web, notre communication, principalement numérique, est virale : tout d’abord via Viméo, puis Facebook et enfin Twitter. Achille sort de l’Ecole Supérieur d’Etudes Cinématographiques (Paris) et est chef monteur ; Thomas a fait l’EFFICOM (Montrouge) et est directeur artistique. “Les appareils photo qui filment ont révolutionné notre manière de faire de la vidéo. Même si le 5D reste encore trop cher, d’autres solutions sont intéressantes. Comme le Lumix GH1 de Panasonic, il est adapté pour la vidéo car c’est un capteur et pas un miroir. De plus, on peut le haker pour augmenter le débit de la vidéo”.
Pour les sociétés de production, l’arrivée des appareils photo qui filment a permis de réduire les coûts pour de beaux résultats. Cela a poussé Achille et Thomas à développer Cokau, “Au-delà de la réduction d’un budget de production, nous nous sommes rendus compte de l’étendue de la capacité des boîtiers et voulons développer une démarche plus créative et expérimentale. Cokau est un laboratoire d’expérimentation. Depuis notre première réalisation mise sur Viméo en 2010, une communauté s’est greffé à Cokau et interagit. Nous réfléchissons à deux aux concepts et réalisons ensemble les tournages avec le Panasonic Lumix GH1 et deux boîtiers Canon : le 550D et 60D. Dans notre entourage, on constate que les vidéastes se mettent filmer avec des appareils photo. Par contre, les boîtes de production font appel aux photographes pour leur oeil. Nous concernant, on a une réelle envie de travailler avec des chefs opérateurs (chef de la photographie). “Depuis que l’on a fait des films on a appris la balance des blancs, le diaf, la vitesse, les focales… Nous n’avons pas d’envie particulière de faire de la photo mais par contre, aujourd’hui notre approche est photographique avec beaucoup de plan fixe.” Les appareils sont customisés : un ciné slide (rail de travelling), des moniteurs, des steady cams (car toutes les optiques ne sont pas stabilisées). “Grâce aux capteurs photos, nous avons un rendu exceptionnel, cinématographique. Les réalisations sortent du côté vidéo : image numérique, froide et plate. Jouer sur la profondeur de champs donne une dimension particulière aux productions. Par exemple sur le Lumix grâce à une bague d’adaptation nous venons de tourner avec un bijou : un Voigtländer 25 mm qui ouvre à 0,95. Un boitier photo, c’est un rendu « cinématographie », avec une équipe en moins à gérer. Un coût infime, sans parler de la gamme des objectifs.”
“Prie Dieu”, la troisième vidéo de Cokau, a été tournée avec des optiques macros : une canon MP-E 65mm f/2,8 Macro 1-5x et une Zeiss Makro-Planar 100mm f/2. “les rendus sur les flous sont très beaux.” Avec “Prie Dieu” nous nous sommes rendus compte que l’on vivait tous les jours avec des aliens ! Les insectes sont visuellement très intéressants. Nous avons construit un set de tournage ouvert et compliqué à gérer. Le principal souci a été de les diriger, ils cavalent partout et ont l’habitude de vivre dans le froid et le noir. Il faut savoir qu’en mode macro, si l’insecte se déplace d’un millimètre, soit on est flou, soit on le perd. Je ne parle pas des morsures, des grosses larves ou des trois mantes religieuses. Quatre jours de tournage plutôt douloureux.”
Quatre mois de post-prod sur leur temps libre ont été nécessaires pour réaliser le montage et les nombreux effets : fils aux pattes des insectes, halos lumineux et particules. La vidéo s’appelle “Prie Dieu” en référence à l’’appellation provençale de la mante religieuse. “Nous nous en sommes saisis pour nommer une supériorité divine qui dirige les insectes tels des pantins. A partir du moment ou la mante religieuse dévore un grillon, elle rompt un fil. Elle renouvellera ses péchés jusqu’à ne plus avoir aucun lien avec Dieu”. Une des deux oeuvres musicales, chantée a cappella, est en lien fort avec cela, c’est Misererele de Gregorio Allegri : “Pitié pour moi, mon Dieu, dans Ton amour, selon ta grande miséricorde, efface mon péché”. La légende dit que le Vatican avait interdit de le reproduire et de le diffuser afin d’en préserver le caractère unique. C’est Mozart, âgé de quatorze ans, qui a réussi à retranscrire l’œuvre après deux écoutes à la chapelle Sixtine.
Aujourd’hui, notre ambition est de perséverer dans cette voie créative. Réaliser des films, de la postproduction et mettre un pied dans le cinéma. Tout cela en se spécialisant sur le tournage effecuté avec des appareils photo. D’ailleurs, nous lançons un appel pour compléter notre équipe avec une troisième personne en charge du suivi des projets. Idéalement, un passionné de l’image, de la communication numérique, mais avec un profil de gestionnaire.
Wilfrid Estève
“Prie Dieu”
Le site du Viméo festival
La soirée “2012 Vimeo Awards Grand Prize Winner”
Le site officiel du laboratoire visuel Cokau