Bestiaire est le fruit de ma fascination de longue date pour la mythologie grecque et la photographie du début du XIXe siècle. Basé sur un ensemble de descriptions de créatures hybrides et influencé par l’iconographie religieuse, le mythe boucle la boucle et rencontre la critique sociale en intégrant ces archétypes monstrueux à un commentaire contemporain. De plus, dans cette série, les bêtes perdent leur dimension singulière habituelle, et assument des personnalités complexes et tragiques où il devient difficile de distinguer entre monstres et héros.
Inspirés par la vaste collection d’images de la Bibliothèque américaine du Congrès, ces personnages possèdent les qualités prédatoires de la photographie ancienne, quand les sujets connaissaient mal l’appareil photo. Leurs photos sont devenues des portraits psychologiques bien avant que mon intervention numérique les rende surnaturels. Ce panthéon combine dans sa distorsion des protagonistes mythiques bien connus avec des personnages plus obscurs tirés de sources grecques anciennes.
Etre amoureux de la beauté des bêtes est une véritable obsession qui me prend périodiquement et exige mystérieusement d’être exprimée. Cette fois, j’ai trouvé les sujets de ces vieilles gravures captivants et prêts à être transformés en créatures légendaires. Mais, avec leur signature officielle et leurs timbres, les gravures pouvaient aussi rejoindre le langage de la documentation et des archives. J’ai constaté que leur vulnérabilité au passage du temps qui les vieillit brutalement leur prête de l’authenticité et donne envie de les préserver.
Traditionellement, les bestiaires sont des catalogues où les commentaires d’histoire naturelle et les illustrations d’animaux sont en général accompagnés d’une leçon de morale. Celui-ci ne fait pas exception à la règle. De nos jours, nature et science se combinent souvent de manière aléatoire, et cette compilation en témoigne.
Le livre de 1955 de Robert Graves, The Greek Myths, a été ma source principale d’inspiration pour les personnages. Cet ouvrage a éclairé ces contes fascinants que je ne connaissais que dans des versions excessivement aseptisées. Les dimensions humaines, sexuelles et violentes des bêtes décrites dans les textes de Graves ont éveillé mon intérêt pour le sujet et ont profondément inspiré mes images. La lecture répétée de ce livre, un stylo à la main, à quelques kilomètres de l’ancienne forteresse d’Argos, a donné du poids aux légendes et a augmenté ma fascination.
Viktor Koen
Viktor Koen est professeur dans le département d’illustration MFA et le département de graphisme BFA à la School of Visual Arts à New York.
