Des immeubles bétonnés aux arbres gracieux, l’artiste propose une promenade dans un territoire imaginaire. Une exposition à voir au Musée d’art moderne et contemporain de Saint-Etienne.
Le regard vers le ciel. Le visage tendu vers les nuages. Une jeune femme semble rêver et, derrière elle, d’immenses grands ensembles se dessinent à l’horizon. Toute l’ambiguïté des images de Valérie Jouve se retrouve sur cette photographie. Une nature célébrée dans un environnement urbain ou bien l’inverse : un monde mécanique où se loge de l’organique.
En témoignent les premières photographies de l’exposition. La photographe est allée surprendre les restes d’une usine de fabrication de caoutchouc en Amazonie, non loin de Belem au Brésil. Elle a photographié d’imposantes machines tombées en désuétudes et qui se mêlent formidablement bien au décor environnant. Ici une maison au toit en tôle près d’un petit chemin où de grands arbres s’élèvent. Là une carcasse de voiture échouée au bord d’une route cabossée.
A côté l’artiste a glissé des photographies de Firminy, commune minière non loin de Saint-Etienne, ville où elle est née en 1964.
Trésor
Le monde des usines qui inonde son œuvre vient assez vite se percuter à une autre forme de machine, la « machine à habiter » comme l’artiste le dit elle-même. Valérie Jouve s’est fait une spécialité d’immortaliser de grands ensembles, ces immenses immeubles aux périphéries des grandes villes. L’artiste en a trouvé à la fois à Marseille en France qu’en Irak à Erbil. Selon sa volonté les cartels de l’exposition ne mentionnent pas les lieux où elle a pris ces photographies. « Je pense que cela permet aux visiteurs de mieux se projeter, de faire davantage appel à leur imaginaire », explique-t-elle.
D’où, aussi, cette impression de traverser un pays à elle, un pays cousu par le fil des rencontres avec les lieux et les gens. Car Valérie Jouve les mêle volontiers dans des portraits savamment travaillé. Ces personnages qui posent pour elle, principalement féminins, donnent un élan inédit aux paysages qui les entourent. Il y a comme une fusion entre leurs corps et le décor qui les environne. Valérie Jouve capte à merveille leurs expressions, à la fois flottantes et contrariées, à la fois joyeuses et rêveuses. Ces femmes agissent comme des portes d’entrées vers les paysages qui sont présentés à côté d’elles.
Ainsi de ces murs pris en photographie à Paris qui répondent à cette femme nous tournant le dos et qui elle-même regarde un grand ensemble. Nous avons alors le sentiment de plonger dans un coin de verdure au milieu d’une ville écrasante et d’y trouver pour quelques instants le trésor d’un refuge.
Séquoias
Car si Valérie Jouve s’intéresse depuis ses débuts aux usines, aux machines et aux habitants à la périphérie des grandes villes, elle cultive depuis peu un autre jardin : elle s’est attachée à prendre en photographie des arbres. De grands séquoias américains dont elle tire d’émouvants portraits. Ou bien, encore, un grand arbre aux branches multiples et volubiles dans une campagne française. Et puis, ce film, qui clôt l’exposition. Une feuille est attachée par un petit fil naturel à la branche d’un arbre tandis que le vent s’agite et fait trembler la feuille qui résiste. « J’ai fait cette vidéo après un accident qui m’est arrivé au Brésil et c’était comme un exutoire. La feuille représente évidemment la fragilité de nos vies que nous avons parfois tendance à oublier » confie l’artiste. Une fragilité qui parcourt toute son œuvre et qu’offre parfaitement cette exposition dans une scénographie savamment pensée par Valérie Jouve.
Jean-Baptiste Gauvin
Jean-Baptiste Gauvin est un journaliste, auteur et metteur en scène qui vit et travaille à Paris.
Valérie Jouve, Formes de vies
Du 19 mai 2018 au 16 septembre 2018
Musée d’art moderne et contemporain de Saint-Étienne Métropole
Rue Fernand Léger
42270 Saint-Priest-en-Jarez
France