C’est dans l’auditorium du Musée des Abattoirs de Toulouse que se lançait le 10 octobre dernier, la Résidence 1 + 2. Fomenté par le photographe-membre de l’agence Myop, Philippe Guionie, ce nouveau programme de résidence photographique propose de multiplier les regards croisés entre différents photographes et villes d’Europe.
Pour l’occasion, le photographe toulousain avait convié un grand nombre d’acteurs du paysage photographique. En effet, cette journée d’étude placée sous l’égide des spécificités résidentielles en France, faisait appel à plusieurs types d’intervenants : responsables de centres d’art et de musées, photographes (Mat Jacob (Tendance Floue), Ida Jakobs et Israel Ariño (VU), mais aussi éditeurs. Faisant part de leurs expériences respectives, les vingt-cinq invités ont témoigné, chacun leur tour, de la diversité des actions menées un peu partout sur le territoire.
Etat des lieux
Organisé en trois temps (Penser et construire la résidence, Vivre la résidence et enfin L’éditer), le colloque modéré par Brigitte Patient, présentatrice de l’émission « Regarder voir » sur France Inter, puis par le binôme de journalistes Olivia Marsaud / Remi Coignet, a montré que si le principe de résidence a totalement intégré la sphère de l’art contemporain, en photographie, nous sommes bien loin du compte. Tant à travers la pratique des photographes que du côté des offres qui leur sont proposées. Il en va pour preuve un premier constat : il n’existe que très peu d’images audiovisuelles correspondant au terme « résidence » dans les archives régionales de l’INA. Si certains programmes existent maintenant depuis plusieurs années, ils restent minoritaires et sont parfois la corrélative à la pré-existence d’un festival.
Pourtant, la journée dresse un portrait riche et multiple de la réalité résidentielle en France, mettant l’accent sur les particularismes et les ancrages dans un territoire donné. La place en somme que certaines résidences occupent dans le cadre d’une région ou d’une collectivité, et la façon dont elles viennent les documenter, comme c’est le cas pour « L’œil Urbain », créée en 2012 et située en Corbeil-Essonnes.
La place en somme que certaines résidences occupent dans le cadre d’une région ou d’une collectivité, et la façon dont elles viennent les documenter, comme c’est le cas pour « L’œil Urbain », créée en 2012 et située en Corbeil-Essonnes.
Il a été question aussi de l’accompagnement envers artistes tant d’un point de vue financier qu’humain. De frais et de conditions de productions également (une résidence aboutit la plupart du temps à la création d’une exposition et d’une publication). De frustration parfois, il faut l’avouer. La liberté de créativité est parfois mise à mal, ce qui explique aussi sans doute la réticence de certains photographes qui, à juste titre, auraient l’impression de ne pas pouvoir conduire comme ils le souhaiteraient, une écriture plus personnelle. Il semblerait que les fonctions de certaines résidences résistent à cette façon de faire quand d’autres qui, soutenues par des mécènes par exemple, on le sait, supposent parfois un droit de regard plus important sur les projets qu’ils initient. Les acceptions, « carte blanche », « résidence » et « prix » ont eu tendance parfois à s’emmêler. Toujours est-il qu’elles répondent chacune à des contraintes et des critères de sélection plus ou moins appuyés (thématiques, jurés, durées, limite d’âges, nationalités, liens avec les populations et les publics), mais offrent également à la création photographique contemporaine de développer des axes qu’elle n’aurait pas forcément envisagés sans cela. Des appuis logistiques notamment, une manne financière indéniable ou encore un cadre spécifique. Des initiatives pullulent dans des lieux ou des secteurs qui contribuent au développement de cette création. L’idyllique emplacement de « Fotograficasa » dans le Cap Corse par exemple, ou encore le centre d’art « Gwinzegual » à Guingamp qui propose depuis 2006 sans concours, mais par le biais d’une collaboration avec un(e) photographe, de « résider » sur place, sans exigence de temps ni de rendu. Malgré la variété des sources de financements, elles demeurent souvent difficiles à maintenir. Ce qui n’empêche pas la majorité de ces propositions de veiller à la liberté des photographe(s), et de continuer d’être animées par ce même souci de transmission, d’échange et d’engagement.
La Résidence 1 + 2
Une fois la parole donnée à chacun des trois photographes invités, Philippe Guionie révélait en fin de journée les noms des futures résidentes. Car pour sa première édition, le photographe tenait à ce que l’honneur soit fait aux femmes. Diane Lui sera la photographe confirmée choisie cette année pour « marrainer » deux talents émergents (28 ans maximum). Alice Lévêque, récemment diplômée de l’ETPA, la toute jeune Léa Patrix (16 ans).
Trois villes, trois photographes et trois générations. C’est le principe de « 1 + 2 » : développer un dialogue photographique entre Toulouse et deux autres villes européennes. Bruxelles et Barcelone ouvriront la danse. Chaque photographe sera chargée d’une ville qu’elle découvrira alors pour la première fois. A l’arrivée, une exposition, un livre publié aux éditions Filigranes et un film de résidence.
A mi chemin entre le workshop et la résidence de création, « 1 + 2 » se déroulera sur six semaines, s’étalant du 4 janvier 2016 au 16 février prochain.
Si l’idée de Philippe Guionie est conduite par le désir de documenter la ville « rose » et lui offrir une aura photographique plus vaste, c’est à terme, à la constitution d’une collection spécifique à Toulouse et ses périphéries qu’il songe. Et pourquoi pas, dépasser le champ de la photographie pour se diriger, de façon plus transversale, vers la danse, la science etc. A suivre, l’exposition issue de la résidence qui se tiendra à Toulouse l’été prochain.
Résidences :
Chalon-sur-Saône, musée Nicéphore Nièpce : Résidence BMW. Depuis 2011. François Cheval
Villa Pérochon, Centre d’art contemporain photographique de Niort – Patrick Delat
Diaphane, Pôle photographique en Picardie (Beauvais) – Fred Boucher
Centre d’art Gwinzegal, Guingamp – Jérôme Sother
Fotograficasa, Corse – Pascal Dolémieux et Rita Scalia
Festival « Portrait(s) », Vichy – Fany Dupêchez
Festival Images Singulières, Sète – Gilles Favier
Festival L’Oeil Urbain, Corbeil-Essonnes – Elisabeth Hébert
Editeurs :
Editions Le Bac en l’air – Fabienne Pavia
Editions Filigranes – Patrick Le Bescont
INFORMATIONS
http://www.1plus2.fr