L’espace Topographie de l’art, à Paris, présente une exposition étonnante sur le thème de l’expérimentation, avec un panel d’artistes dont les travaux sont mis en relation.
Tenter une expérience, c’est faire l’essai de quelque chose. C’est la part de risque qui consiste à aller vers l’inconnu, c’est se mettre en danger. L’expérience fait appel à l’expérimentation et à l’expérimental. Elle remet en question les paramètres établis des procédures photographiques. Expérimenter c’est se jouer des règles, déroger au processus, envisager autrement. S’affranchir de la lumière, du temps, des appareils ou de la surface plane dite photographique. C’est réinventer un rapport au monde qui retourne les préjugés, les conventions et les règles qui font « photographie ». C’est en quelque sorte reprendre son indépendance, s’émanciper de ce qui limite ou gène dans un protocole prédéfinis.
Cette exposition, en dehors de sa thématique, fait cohabiter différents artistes photographes contemporains qui sont souvent dans une recherche conceptuelle. Certains font avancer l’idée même de ce qu’est la photographie en tant que médium, par un renouvellement des percepts. Une idée qui selon le philosophe Gilles Deleuze traverse toutes activités créatrices et où le percept est « un ensemble de perceptions et de sensations qui survit à ceux qui les éprouvent. ».
Plusieurs approches font ainsi cette exposition, avec 10 artistes – Anna et Bernhard Blum, Pierre Cordier, Patrick Bailly-Maitre Grand, Rodolf Hervé, Garry Fabian Miller, Gábor Ősz, Catherine Rebois, Caroline Reveillaud, Georges Tony Stoll, Joel-Peter Witkin – qui se rejoignent sur la notion de l’expérience et de l’expérimentation. C’est bien cette diversité qui retient une nouvelle fois l’attention pour explorer l’étendue du potentiel de ce médium associé à l’expérience et à la photographie contemporaine.
L’expérience n’est pas simplement l’observation d’un phénomène, mais elle est aussi le fait de remettre à jour, de vérifier la cohésion qui s’opère entre le réel et l’idée de ce réel. Il est possible d’analyser les variantes de la pensée avec un médium comme la photographie qui restitue des formes en transformations permanentes. Cela exige une autonomie réelle, une expérience tangible, et aussi que l’art soit toujours autre chose que de l’art.
C’est bien cette confrontation de singularités et de cohésion, de celles qui tentent l’expérience, qui nous interpelle ici. Elle révèle sans doute aussi une nouvelle version de ce que pourrait signifier faire expérience. La photographie, ici, se révèle à elle-même en quelque sorte.
Catherine Rebois
Catherine Rebois est une auteure et une commissaire d’exposition spécialisée dans l’image. Elle vit et travaille à Paris.
Expérience photographique
13 février – 12 avril 2018
Topographie de l’art
15 rue de Thorigny
75003 Paris
France