Depuis l’ouverture de la Maison Européenne de la Photographie à Paris en 1996, Irène Attinger est la responsable de sa bibliothèque. Plus de 32 000 livres, publiés entre 1950 et nos jours, y sont librement accessibles au grand public. Elle revient dans ce livre sur la genèse et l’évolution de cette bibliothèque. Elle en parle ici de manière passionnée.
Ouverte en 1996, la bibliothèque de la Maison européenne de la Photographie, véritable mémoire de l’édition internationale de la photographie d’auteur, des années 1950 à nos jours, propose actuellement plus de 32 000 ouvrages. J’ai choisi parmi les œuvres de photographes représentatifs des soixante dernières années, cent livres qui illustrent la formidable aventure éditoriale du livre de photographie, de l’héliogravure à l’impression numérique. Au début dominé par l’exposition (catalogue) ou articulé sur un texte littéraire, le livre de photographie a pris une autonomie croissante et conquis le statut d’œuvre à part entière. Ceci est souligné, à partir des années 2000, par la multiplication des ouvrages traitant des livres de photographie.
Le choix présenté dans le livre ne prétend ni être un palmarès des éditions les plus importantes ni une présentation des plus beaux livres. Si la rareté d’un livre et sa valeur sur le marché peuvent intéresser le collectionneur, elles ne définissent pas l’intérêt de l’ouvrage du point de vue du développement de l’art de la photographie. Si la publication d’un “beau livre” peut signer la consécration d’un artiste, il faut constater que la majorité des livres incontestablement importants ne sont pas de tels livres. L’objectif des choix auxquels j’ai procédé dans Une Bibliothèque est de montrer la richesse et la diversité des livres de photographe publiés dans différents pays, donc issus de différentes cultures, et de contribuer ainsi à donner un aperçu de l’histoire du livre de photographie et donc du développement de l’art photographique.
Le choix privilégie des monographies centrées sur un thème fort, souvent social ou politique, plutôt que des catalogues ou des sommes présentant globalement l’œuvre d’un auteur. Une Bibliothèque s’ouvre par deux ouvrages présentant des travaux photographiques pensés pour le livre : Life Is Good & Good for You in New York (Le Seuil, Paris, 1956) de William Klein Les Américains (Delpire éditeur, Paris, 1958) de Robert Frank qui posent, tous deux, un jalon dans l’histoire de la photographie. Ils inventent, chacun à sa façon, une nouvelle écriture photographique. Loin d’être de simples vecteurs d’images, ces livres proposent, à travers leur mise en pages, une véritable remise en perspective des images, agencées en séquences ou en parallèle.
L’impact de chaque photographie surgit de sa mise en relation avec d’autres au travers de la mise en pages et du déroulé des images. Comme dans le montage cinématographique, un entre-image intervient. Le déploiement d’une série ou de quelques séries de photographies dont le sens émerge des seules images ou avec l’appui de textes et légendes devient, dès le début des années 1960, le paradigme pour de nombreux livres de photographie.
Les livres choisis proposent chacun le point de vue d’un auteur, un univers personnel mais aussi une présence au monde ancrée dans le temps et l’espace. Les sujets abordés ont parfois une importance historique, d’autres reflètent les phénomènes sociaux d’un lieu et d’une époque, tandis que certains dévoilent un espace intérieur, une intimité singulière. Pourtant, toutes les œuvres présentées ont un rapport à l’universel car elles témoignent des conséquences collectives et individuelles de la marche du monde sur la conscience des hommes mais aussi de la capacité de la photographie à changer notre perception du monde. Ce rapport s’exprime dans des aires culturelles différentes, en Europe, en Asie, en Amérique du Nord, en Amérique latine et en Afrique.
J’ai voulu privilégier l’édition française, très vivante et souvent négligée, au moins en ce qui concerne les soixante dernières années, dans les ouvrages traitant du livre de photographie publiés en Grande-Bretagne ou aux États-Unis. C’est donc à dessein qu’il se clôt par Voyages italiens (Éditions Xavier Barral, 2015) de Bernard Plossu.
Enfin, je me suis attachée à la présence des femmes, si souvent laissées pour compte dans un monde de la photographie qui reste encore très largement masculin. Au fil des ouvrages présentés, on trouvera certaines prises de position de photographes soulignant l’importance que le livre de photographie a pour eux (Ralph Gibson, Nobuyoshi Araki, Luigi Ghirri, Bernard Plossu, Jeanloup Sieff ou encore David Goldblatt).
Afin d’éviter d’appréhender ces œuvres singulières au travers d’un unique prisme, j’ai rédigé les textes de présentation des livres choisis en donnant une large place aux protagonistes de la création du livre – photographe, auteurs des textes, éditeur.
Jean-Luc Monterosso, son directeur, a élaboré le concept de la Maison européenne de la photographie : réunir dans un même lieu le tirage d’exposition, la page imprimée et le film. Il m’a permis de développer l’une des plus importantes bibliothèques photographiques d’Europe. Je le remercie du soutien qu’il m’a apporté dans l’élaboration et la publication d’Une Bibliothèque.
Irène Attinger
Irène Attinger est responsable de la bibliothèque et de la librairie de la Maison européenne de la Photographie, à Paris.
Une bibliothèque : Maison Européenne de la Photographie
Publié par Actes Sud
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