C’est l’envoi le plus surprenant de la semaine. Cette vision insolite de l’Opéra de Sidney par Tony Maniaty. II y a ajouté ce texte !
UN EDIFICE DE TOUS LES POSSIBLES par Tony Maniaty
Miroitant sous le ciel austral, l’Opéra de Sydney est entré dans son bel âge, ayant fêté son cinquantenaire l’an dernier. Photographié des millions de fois, l’Opéra est à Sydney ce que la Tour Eiffel est à Paris – non seulement un symbole mondialement connu et une destination touristique majeure, mais aussi un point d’ancrage pour ceux qui ont la chance d’y habiter. Comme on ne peut imaginer Paris sans sa tour Eiffel, il en va de même pour Sydney sans son opéra.
Considéré par de nombreux architectes comme la structure la plus remarquable du vingtième siècle, ce monument du patrimoine mondial – sur un site spectaculaire, surplombant l’un des plus beaux ports naturels du monde, est devenu une icône de l’Australie contemporaine, ainsi qu’un reflet des décennies de boom économique et culturel du pays. La ville de Sydney voulait un opéra d’envergure internationale mais l’Australie en tant que nation avait besoin d’une démonstration audacieuse pour afficher sa maturité.
Tant d’optimisme d’après-guerre pour tant de revers sur le chantier. Quand l’architecte danois Jørn Utzon esquissait à grands traits son idée intéressante pour le bâtiment en 1957, il embarquait pour un voyage qui allait le mettre au défi et presque le détruire. Ces voiles magnifiques : personne, pas même Utzon, n’avait la moindre idée de comment les construire, ni comment les carreaux de céramique les recouvrant pourraient tenir en place. Le coût de la construction : initialement estimé à sept millions de dollars, a explosé et l’enveloppe finale s’est chiffrée à plus de cent millions. Sans compter la durée du chantier : l’opéra qui devait être achevé en 1963 n’a finalement ouvert ses portes que dix ans plus tard. Entretemps, Utzon avait été écarté du projet et renvoyé chez lui ; il ne verrait jamais son chef-d’œuvre terminé.
Comment saisir cette complexité unique, cet ensemble de formes, d’espace et de temps ? La plupart des interprétations photographiques se concentrent sur la relation de l’opéra avec la baie et les eaux qui l’entourent, plaçant ses voiles qui s’élèvent face aux paquebots ou aux ferries qui sillonnent constamment la rade, liant ainsi ses métaphores maritimes à une ville synonyme d’eau. J’ai choisi au contraire de tourner mon Leica vers le haut, de placer les voiles contre l’éternité du ciel, représentant l’Opéra de Sydney davantage comme une cathédrale qu’un lieu culturel. C’est ainsi qu’Utzon lui-même le voulait. Un édifice inspirant, construit « à la limite du possible », une vision dessinée un demi-siècle plus tôt sur un simple bout de papier.
Ces images forment un livre et une exposition à venir, un hommage à la ville que j’aime et aux possibilités infinies de la créativité et de l’ingéniosité humaines.
Tony Maniaty, photographe.
[Traduction française par Agnès Waller]
Tony Maniaty est un auteur et photojournaliste grec-australien primé basé à Paris et à Sydney. Son œuvre couvre un large éventail de domaines créatifs. Il a été le correspondant européen de la chaine de télévision australienne SBS, le producteur exécutif de l’émission d’actualités « 7.30 » pour la chaine ABC (Australian Broadcasting Corporation), et Professeur adjoint de pratique créative à l’Université de Technologie de Sydney. Son exposition et livre de photos de 2021 « Nos cœurs sont toujours ouverts » témoignaient de la vie à Paris pendant la pandémie du Covid. Son exposition de 2023 « La planète des possibilités » visait à explorer les aspects de la beauté dans une période de crise mondiale.
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