Cela peut paraitre étrange en ces temps incertains de parler de reconnaissance de la beauté, mais c’est peut-être notre seul espoir de survie. L’interaction actuelle entre l’économie, la technologie et la politique ne suffira pas à assurer notre avenir à long terme sur la planète : la guerre, la pauvreté et l’inégalité restent des constantes et la planète elle-même subit de graves dégâts environnementaux. Comment résoudre ces problèmes dans le temps qu’il nous reste est une cause d’angoisse grandissante.
J’ai intitulé cette série de photographies « La planète des possibilités » parce que je crois que l’humanité ne pourra survivre que si nous ouvrons les yeux à toutes les formes de beauté qui nous entourent, y compris dans nos interactions complexes les uns avec les autres, et dans les possibilités naissant d’une créativité accrue. Jørn Utzon, l’architecte de l’Opéra de Sydney, parlait de travailler et de penser « à la limite du possible », d’avoir la vision pour explorer les idées au-delà de l’évidence. L’écrivain anglais Adams Nicholson attribuait le génie des Grecs de l’Antiquité (mes lointains ancêtres paternels) à « leur esprit portuaire », un espace à la fois réel et abstrait qui engendrait des niveaux avancés de créativité. « La possibilité et le questionnement » écrivait-il, « les effets de la suggestion et de l’implication, plutôt que la croyance irréfléchie ou l’affirmation aveugle, constituaient un terreau pour les idées nouvelles. »
Cette curiosité, une disposition à s’arrêter et examiner les alternatives, une prise de conscience et un esprit ouvert aux possibilités, voilà ce qui motive ma photographie et qui me pousse à essayer de capturer le temps et l’espace de façons temporelles et éternelles, sans limites, en juxtaposant le monde naturel et le monde humain à travers le prisme oh combien mystérieux de l’ombre et de la lumière. La photographie peut-elle sauver l’humanité ? C’est peu probable mais elle peut nous indiquer des directions insoupçonnées, nous guider vers des solutions émergeant de notre imagination créative collective. Je reconnais dans mon propre travail une sorte d’alchimie qui relie une photo à une autre, un flot d’imagination qui peut déboucher sur une révélation, ou du moins une meilleure compréhension de mon cheminement – même s’il s’agit d’une rivière sans berges parce que les réponses que nous cherchons se trouveront certainement loin des chemins battus.
Le sens de la beauté peut être immédiat ou émaner au fil du temps d’une image captée. Un coucher de soleil produira peut-être un attrait instantané, mais la photo d’une fillette dans une église grecque nous transmettra bien plus de sens et de richesse plus nous passons de temps à la contempler. L’intersection de la beauté humaine et naturelle tout autour de nous est incommensurable, et unique – les possibilités de ce que nous pourrions trouver beau et de ce que nous pouvons faire de cette découverte sont infinies. Voilà pourquoi nous continuons à créer de l’art dans cette période difficile, voilà pourquoi nous embrassons la création artistique : pour élargir notre imagination sur ce qu’est la vie sur Terre, et ce qu’elle peut encore être, sur ce minuscule point de roche et d’eau. Ceux qui, sous toutes les pressions qui nous assaillent, ont abandonné l’art, ont en quelque sorte renoncé à la vie.
La capture de ces moments, c’est le cadeau de la photographie au monde, cette planète fragile où nous vivons. Plus nous voyons de beauté, plus nous sommes enclins à l’apprécier, et à la vénérer plutôt qu’à la détruire. Nous devons ouvrir les yeux à la beauté de la planète afin de la sauver. J’ai tenté de transposer ces émotions dans mes images.
Tony Maniaty, photographe.
[Traduction française par Agnès Waller]
Tony Maniaty est un auteur et photojournaliste gréco-australien primé basé à Paris et à Sydney. Il a été correspondant européen pour la télévision australienne SBS, producteur exécutif de l’émission d’actualités « 7.30 » de l’Australian Broadcasting Corporation et professeur associé de pratique créative à l’Université de technologie de Sydney. Son livre photo « Our Hearts Are Still Open » se concentre sur la vie à Paris pendant la pandémie de Covid 2020.
www.instagram.com/tonymaniaty/
www.tonymaniaty.com
Tony Maniaty
19 novembre – 9 décembre 2023
La Planète des Possibilités
Kirribilli Centre Gallery, 16-18 Fitzroy Street, North Sydney, Australie
Horaires d’ouverture: samedi de 12h à 17h
www.studiotettix.com
L’exposition fait partie du Head On Photo Festival de cette année à Sydney.
Tony Maniaty
19 novembre – 9 décembre 2023
THE PLANET OF POSSIBILTIES / Head On Photo Festival
Galerie Kirribilli Centre, 16-18 Fitzroy Street, North Sydney, Australie
Horaires d’ouverture : samedi, 12h-17h
www.studiotettix.com
