En 2010, Tomio Seike a 67 ans. La prise de conscience d’une disparition inéluctable libere sa perception des choses simples et qu’il ne verra plus un jour, comme la vue sur la mer depuis son appartement de Brighton. Plutot que de se lancer dans un inventaire des beautés quotidiennes qui l’entourent, il se concentre sur ce cadre de carte postale de facon addictive. Une pratique devenue un rituel qui rythme sa vie et qu’il répete invariablement, non selon des horaires précis mais des qu’il est disponible. En attendant que la photo se présente a lui, il observe les gens qui viennent tous les jours sur cette plage pour y passer un peu de leur temps. Il les observe d’abord de loin, sans discerner de détails, puis découvre leurs caracteristiques sur son ordinateur en agrandissant les images. Il est fasciné par cette étape de révélation mais maintient une distance dans l’image finale, imprimée dans un intime format 24.8 x 37.2 cm qui évoque les pages d’un calendrier que l’on effeuille au fil des mois. Le temps, élément déclencheur de cette série, dirige également sa réalisation. Tomio Seike attend ainsi parfois plusieurs heures a sa fenetre que la nature se prete a l’exercice de la pose, que la mer agitée se calme, que la lumiere soit favorable, que le sable dessine des lignes évocatrices. Que la nature soit belle. Belle a ses yeux, pas aux yeux du monde. Il répete ce sempiternel protocole chaque fois qu’il en a la liberté. Fasciné par les hommes qui arrivent et font une expérience parallele du temps devant ses yeux, il se soumet a la nature, meme si l’excitation suscité par la présence de quelques badauds l’inciterait a photographier. C’est ainsi qu’il définit la photographie : une activité a laquelle il faut dédier son temps, au risque de ne pas presser le déclencheur si la nature n’y est pas disposée.
Tomio Seike est représenté par la galerie Hamiltons, a Londres.