Cela fait trente ans que l’Irlandais Tom Wood pose inlassablement son regard fasciné sur les rues du Liverpool prolo et son petit peuple oublié du royaume britannique : il y sera d’ailleurs surnommé « Photie man ». Ici, dans la ville des Beatles, s’est constituée une société parallèle avec ses codes, son langage. Un morceau de terre, avec ses habitants, qui semble s’être détaché de la grande île pour dériver au gré de ses états d’âmes. Alors Tom Wood observe ce monde, l’expose sous tous les angles, dans un réalisme absolu, loin de l’humour de son ami Martin Parr ou encore du cinéma social et engagé de Kenneth Loach. De ces images crues pour ne pas dire cruelles naît une poésie étrange, comme une musique lancinante, un blues collant.
Car cet ensemble de photos très large (une trentaine), documentaires, conduit à pénétrer aussi dans l’intimité des familles. Pas de clichés volées : on s’expose, on se déshabille aussi, au sens propre comme au sens figuré, dans une complicité totale avec le photographe. Ce travail impressionne par sa précision, son audace, car de ce monde en survie et en rupture surgissent certes des figures de la misère, mais aussi des hommes et des femmes, jeunes et vieux, enfants, émouvants. Scènes ordinaires de la vie quotidienne dans un monde de « petits blancs » : ados aux crânes rasés désoeuvrés, filles dans des poses aguichantes, vieillards délabrés comme le décor chaotique dans lequel ils déambulent hagards…
Qu’elles soient en noir et blanc ou en couleurs, les photos expriment un même réalisme poétique : c’est le dérisoire, le banal des scènes, des décors et des vêtements, qui crée une unité et donne à ce travail une force expressive étonnante. Certes Liverpool a bien changé depuis ces images prises, pour certaines, en 1975, et les années punk, les ravages du thatcherisme. La ville a connu sa révolution post-industrielle et s’est tournée vers la modernité mais ce monde « à l’écart » inventant chaque jour une culture de la survie existe toujours et ce travail de Tom Wood peut se prolonger sans fin, la matière y est malheureusement toujours aussi riche.
Paul Alessandrini
Tom Wood « 1978-2003, Les Années Liverpool »
5 novembre 2011- 21 janvier 2012
Galerie Sit Down
4 Rue Ste Anastase
75003 Paris
01 42 78 08 07
Horaires d’ouverture: lun., dim. Fermé; mar.-sam. 14–19
Tom Wood sera également exposé en parallèle à la galerie Le bleu du ciel dans le cadre de la Biennale d’Art Contemporain de Lyon