Le photographe Todd Forsgren décrit les oiseaux capturés dans des filets japonais dans le cadre d’enquêtes scientifiques et de recherches ornithologiques. A ce moment-là, les oiseaux occupent un espace conceptuel fascinant entre « l’oiseau dans le buisson et l’oiseau entre vos mains »1. Les oiseaux capturés semblent mal à l’aise, craintifs, agités et vulnérables. Forsgren photographie les oiseaux pendant ces moments précaires où ils viennent d’être pris dans les filets, juste avant que l’ornithologue ne les en retire pour les peser et les mesurer. Une fois l’oiseau répertorié et les données recueillies, il est relâché dans les bois, indemne.
Forsgren a pris la décision de photographier ainsi les oiseaux à cause de son intérêt de longue date pour l’observation des oiseaux, lui qui a fait des études de biologie et d’histoire de l’art. Son inspiration initiale provient de deux livres illustrés de peintures d’oiseaux : les Oiseaux d’Amérique de John James Audubon et le Guide des Oiseaux d’Amérique du Nord de Roger Tory Peterson. Parallèlement à l’observation personnelle, ces livres ont constitué ses principales sources de connaissance des oiseaux.
Dans son essai publié dans la monographie éditée par Daylight Books qui accompagne l’exposition, Ornithological Photographs (Photographies ornithologiques), intitulé Snaring the Viewer (Prendre le spectateur au piège), l’historienne d’art et professeure Susan Wegner écrit : « Seul un artiste ayant reçu une formation en biologie est capable de nous présenter ainsi ces oiseaux. Forsgren comprend les méthodes et les outils des scientifiques, et sait gagner leur confiance pour pouvoir créer son art à l’intérieur des paramètres de leur étude. Avec une même patience, curiosité et compassion, scientifiques et artistes travaillent de concert ».
Pour réaliser ses photographies, Forsgren met en place un “méga-studio de photographie” sur le terrain avec une toile de fond blanche et déclenche rapidement. Il reconnaît que les spectateurs peuvent trouver inquiétantes ses photographies d’oiseaux pris entre nature et captivité, mais il espère que son travail reflète l’importance de l’obtention de données scientifiques ; celles-ci peuvent nous fournir des observations profondes sur les populations et les espèces d’oiseaux, utiles pour prendre des décisions essentielles sur la conservation et répondre à d’autres questions écologiques.
Pleines d’empathie et de beauté, les photographies prises par Forsgren de ces oiseaux capturés dans des filets japonais constituent une espèce de métaphore pour les relations complexes entre humains et animaux dans notre monde globalisé. Son travail, qui combine magnifiquement l’art et la science, nous invite à apprécier la beauté de la vie sauvage et de ces anciennes créatures aviaires et à comprendre la nécessité d’opérer des changements profonds pour les sauver, et en fin de compte nous sauver nous-mêmes, avant qu’il ne soit trop tard.
Todd Forsgren : Birdwatcher and ecologist
Du 22 avril au 30 mai 2017
Academy Art Museum
1083 5th Ave
New York, NY 10128
Etats-Unis
(1) allusion au proverbe anglo-saxon “Un oiseau entre vos mains en vaut deux dans le buisson” ( mieux vaut un tiens que deux tu l’auras)