« Que reste-t-il de nos amours ?
Que reste-t-il de ces beaux jours ?
Une photo, vieille photo
De ma jeunesse. »
Charles Trenet – Que reste-t-il de nos amours
Des regards souvent fiers mais parfois inquiets ou même absents
Des visages fragmentés, effacés et puis aussi griffés, tuméfiés, pour le moins fragiles…
Cette fragilité est-elle le révélateur- au sens clinique ou photographique- de l’emprise du temps sur tout pouvoir politique, sur les partis, les appareils, les slogans ? Par la même, signifie-t-elle la fragilité des hommes politiques, de leurs convictions, de leurs certitudes et de leurs rêves ?
Bien sur la vie éphémère des affiches électorales répète à qui veut la voir et l’entendre qu’en politique comme ailleurs, « le temps est un barbare dans le genre d’Attila »*.
Sur ces affiches encore, aucun nom, aucun slogan, les mots sont absents. Le sens de la gauche perdu. Le photographe se placerait en contre-propagandiste : les trous, le vide et les déchirements parlent d’eux-mêmes.
On nous parle de rassemblement, de réunification, de reconstruction. Le vaste chantier politique est à l’image de ces « photos terrains-vagues ».
Mais encore…
Les photographies présentées ici, toutes prises pendant la campagne des primaires de la « Belle Alliance Populaire » , témoignent certes d’un déchirement autant au sens propre que figuré.
Mais le photographe indique aussi par un parti pris esthétique assumé, que cette « déchirure » n’est pas que tragique. Elle est dans les faits l’expression désinvolte et subversive d’une poésie collective par principe anarchiste en même temps que démocratique. C’est la poésie de la rue , celle des passants frondeurs qui griffonnent, floutent et transforment le visage d’une gauche malade si ce n’est moribonde pour esquisser, imaginer, redessiner un nouveau sourire, un regard neuf…ceux de la gauche de demain.
Texte : Lucile de Calan
*Georges Brassens – Les lilas
Timothée Lunel