Dans ces images, l’œil de Tim Hetherington s’est porté sur le regard de ceux qui ne voient pas. Durant cinq années – de 1999 à 2003 –, le défunt photographe a visité l’école pour aveugles Milton Margai, à Freetown, au Sierra Leone. La plupart de ces enfants non-voyants sont des victimes de la guerre civile, débutée en 1991 et durant laquelle plusieurs atrocités furent pratiquées par les combattants rebelles, dont entre autre l’extraction des yeux ou des amputations volontaires. Ceux qui n’ont pas eu à passer devant les bouchers ont perdu la vue à cause d’éclats d’obus, en se retrouvant au milieu de combats ou tout simplement parce qu’ils n’ont pas eu accès à une assistance médicale.
Au travers de ces clichés en noir et blanc, nous découvrons leur quotidien, capturé en instantanés par Hetherington, ou mis en scène dans une esthétique propre au documentaire. Entre beauté du moment et incommodité, ces douze photographies – en grande partie des portraits – informent de la souffrance de ces individus tout en leur rendant leur dignité. Dans la préface d’un livre non paru, il explique d’ailleurs : « Tout en explorant pour moi les ombres, les textures et les formes qui existent dans la vie de ces enfants … J’ai trouvé … qu’ils apprennent à vivre avec la cécité et à survivre dans leur environnement respectif, tout en cherchant une éducation qui les aidera tout au long de leur vie…. Beaucoup d’entre eux éprouvent le désir de parler de leur expérience et de communiquer avec des gens en dehors de leur existence au jour le jour ».
“Alors que j’explorais par moi-même les ombres, les textures et les formes qui existent dans la vie des enfants… j’ai découvert que… ils apprennent à vivre avec la cécité et à survivre dans leurs environnements respectifs tout en cherchant une éducation et des conseils qui puissent les aider à améliorer leurs vies… Beaucoup d’entre eux ont un intense désir de communiquer leur expérience et de rencontrer des gens qui sortent de leur routine quotidienne.”
Dans son approche résolument humaniste et intimiste, le photographe a également cru bon de glisser sa pate créative. Comme dans cette image où apparaît au premier plan une paire de lunettes, dévoilant avec netteté des sujets à travers des verres tout en laissant le reste de l’image dans le flou. Sorte d’illustration d’une vision trouble ou altérée. Outre ce travail engagé, « Oncle Tim », comme l’ont surnommé les pensionnaires de l’école, a jusqu’à sa disparition contribué financièrement à l’amélioration de cette institution en créant notamment un organisme de bienfaisance à son profit. Post mortem, il livre avec Inner Light: Portraits of the Blind une série poignante qui participe à sa mémoire et à la célébration de son œuvre.
Jonas Cuénin
Inner Light: Portraits of the Blind, Sierra Leone 1999 – 2003
Tim Hetherington
Du 11 avril au 18 mai 2013
Yossi Milo Gallery
245 10th Ave
New York, NY 10001
USA
(212) 414-0370