Dans la suite de Vestiges d’empire, où il figeait les ruines de l’empire colonial français, le photographe Thomas Jorion propose avec Veduta une plongée dans une Italie d’un autre temps.
Palais, jardins, masserias, villégiatures estivales, le photographe a sillonné l’Italie du nord au sud pendant près de dix ans pour trouver ces écrins mystérieux et silencieux dont plus personne ne se soucie. La grandeur et le faste architectural de ces riches demeures du XVIIIème et XIXème siècles perdurent ainsi par le prisme du regard du photographe. Ces images, si méditatives, photographiées à la chambre, nous convient à un voyage italien, un grand tour aux allures solitaires.
Le temps est soudainement comme étiré, sans repères. On assiste à une distorsion du présent à travers ces lieux vides, arrêtés, hors de toute agitation. La nature reprend invariablement ses droits dans ces lieux intemporels habités par cette présence d’absence. La végétation pousse alors les pierres de ses racines, modèle un nouveau visage , souvent plus sauvage et énigmatique, mais tout aussi fascinant.
Les persiennes closes d’une salle de bal laissant danser la poussière dans les derniers rayons du soleil et sur les pampilles d’un vieux lustre ; une chambre aux fresques défraichies où les nymphes d’un aréopage antique nous toisent de leur superbe dans une odeur de fougères et de bois vieillissant… Tout concourt à un doux songe romanesque.
Dans nos sociétés sous pression, de rentabilité et d’optimisation de chaque instant, Thomas Jorion prend lui le temps et nous conte à travers ses clichés silencieux d’autres histoires. Il nous questionne de façon absolue sur notre rapport à la vie et au temps. Ces lieux désertés où l’homme était mais n’est plus, interrogent le spectateur comme une inéluctable mise en abîme, sommes-nous les auteurs, les acteurs de cet abandon ? Sommes-nous les témoins de notre passé ou face à ce qu’il adviendra ?
Telle des vanités des temps modernes, des memento mori, les photographies de Thomas Jorion sous-tendent implacablement l’éphémère et la fragilité de l’existence humaine.
Bérengère Chamboissier
Thomas Jorion, Veduta
07.02 – 06.04.2019
Galerie Esther Woerdehoff
36 rue Falguière
75015 Paris – France