Hiver 2014. Le musée de la Chasse et de la Nature à Paris invite Thierry Girard à faire une résidence d’artiste sur le domaine de Belval dans les Ardennes. Le lieu de résidence est une petite maison au bord d’un étang au milieu des bois. Thierry Girard songe aussitôt à un projet de retraite et d’ascèse à la manière de l’écrivain américain Henry David Thoreau (Walden). Sur place, il espère la neige et le froid, mais il subit la tempête et le déluge. Ne pouvant entreprendre ce qu’il était venu chercher, il sort du domaine pour reconnaître le paysage alentour. Traversant un village sous une pluie diluvienne il aperçoit sur une place vide un modeste bâtiment au fronton duquel est écrit « SALLE DES FÊTES ». Il se demande aussitôt : « Comment l’entend-tu ? »
Il se trouve effectivement sur le territoire des combats qui précèdent la “sale défaite” du 1er septembre 1870 à Sedan. A partir de cette épiphanie, il réoriente son projet, l’inscrivant alors dans la suite d’un de ses projets précédents, Paysages insoumis (2006-2009), qui était un travail sur des paysages de rébellion et de résistance dans le Limousin.
Il se met donc à réfléchir à ce que peut être la représentation d’un territoire de la défaite, sachant que la détresse économique et sociale de ce territoire aujourd’hui est une autre forme de défaite, contemporaine celle-ci. Il photographie ainsi des villages et des petites villes qui semblent abandonnés, jouant souvent avec l’ambiguïté des termes qu’il relève sur telle ou telle façade de café ou d’usine. Il trouve des paysages modestes, mais étranges, d’où naît une forme d’inquiétude, mais il n’abandonne pas pour autant le domaine de Belval, photographiant la forêt blessée comme une métaphore du champ de bataille.
Le long texte à la scansion poétique qui précède les photographies du livre passe de Thoreau à Rimbaud : nous sommes proches du territoire de ce dernier. Charleville, Roche, la Semoy sont à moins de 40 km des lieux photographiés par Thierry Girard, par ailleurs familier de ces forêts et de ces routes ardennaises puisqu’il les a arpentés autrefois dans un projet plus ancien (Mémoire blanche, 1991), sur les traces d’Arthur Rimbaud, justement.
Thierry Girard, Salle des fêtes
Jusqu’au 4 décembre 2016
Musée de l’Ardenne
31 Place Ducale
08000 Charleville-Mézières
France
http://www.charleville-mezieres.fr/
Livre publié aux éditions Loco, 35€