Jeudi dernier, nous vous présentions Thierry Bigaignon et son projet d’ouvrir une galerie à Paris. Cette semaine nous continuons de suivre cet entrepreneur motivé et ambitieux, avec une seconde interview. L’occasion de nous dévoiler, en exclusivité, le nom du photographe qui inaugurera la galerie en juin prochain. Nous allons suivre Thierry Bigaignon pendant ces sept prochaines semaines, jusqu’au vernissage, en juin 2016*.
Quel(le) artiste allez-vous présenter pour inaugurer la galerie ?
Pour la petite histoire, c’est le 10 juin 1975 qu’Agathe Gaillard lança la première galerie de photographie à Paris. Imaginez un instant l’audace dont il fallait faire preuve pour affirmer à cette époque que la photographie était bel et bien un art noble digne d’être exposé. Avec la même audace, Agathe Gaillard décida d’inaugurer sa galerie en exposant l’oeuvre d’un artiste alors peu connu, et dont le travail était très différent du courant humaniste en vogue à cette époque : Ralph Gibson. La carrière de cet artiste américain a, depuis, montré qu’il était l’un des plus grands noms de la photographie. Aujourd’hui, 41 ans plus tard, Agathe Gaillard sera la marraine de notre exposition inaugurale. L’événement, véritable passage de relais, se devait d’être exceptionnel. C’est donc avec un plaisir non dissimulé que j’annonce en exclusivité pour L’Oeil de la Photographie que Monsieur Ralph Gibson lui-même sera le premier artiste représenté par la galerie Thierry Bigaignon.
Comment ce choix s’est-il opéré ? Comment avez-vous approché Ralph Gibson ?
Mon choix était avant tout celui de l’exigence. Je voulais pour débuter un artiste qui ait une vision singulière. Ralph Gibson figurait déjà dans mon top 10 avant ma rencontre avec Agathe Gaillard. Lorsqu’Agathe a accepté de soutenir ma première exposition, je lui ai alors demandé par curiosité qui elle avait elle-même exposé lors de sa première. Lorsqu’elle a pointé du doigt le poster de son exposition de 1975 illustrant une somptueuse image de Ralph Gibson, je me suis tout de suite dit que ce serait l’artiste idéal, tant j’aimais son travail et tant il représentait l’avant-garde. Mais voilà, il n’était pas question pour moi de montrer ces images célèbres que tout le monde connaît. C’est en cela que le passage de relais avec Agathe est fabuleux, car je crois que comme elle le fit en 1975, je vais montrer un travail nouveau, un regard neuf ! J’ai alors voulu rencontrer Ralph Gibson pour qu’il me montre sa production actuelle. Les vrais artistes ne se reposent pas sur leurs lauriers. Ils ont besoin de produire sans cesse. Je supposais donc qu’il aurait quelques joyaux à me montrer. Je suis parti à New York et je ne fus pas déçu !
En quoi a consisté le travail préparatoire que vous avez fait avec Ralph Gibson à New York ?
Lorsque j’ai dit à Ralph que je n’envisageais pas de proposer ses photographies les plus connues, ses best-sellers, il fut d’abord surpris, puis réellement excité à l’idée de montrer ce sur quoi il travaille aujourd’hui. Il s’est alors assis à son bureau et au lieu d’ouvrir une vieille boite de tirages argentiques, il a sorti la carte mémoire de son Leica et m’a montré les images qu’il avait réalisées le matin-même ! C’est le genre d’expérience que l’on ne vit pas souvent ! Et ce fut un choc : à 77 ans, Ralph a su conserver un regard extrêmement vif. Je dirais même que son travail aujourd’hui est plus abouti qu’il y a 30 ou 40 ans, tout en étant toujours le résultat d’un instinct assumé. D’un rendez-vous dans son atelier qui aurait pu durer 2 heures, nous sommes restés enfermés 4 jours à travailler sans relâche, à sélectionner les images les plus fortes, à faire le choix parfois douloureux de supprimer celles qui n’étaient pas parfaites, mais aussi à discuter photographie, philosophie, histoire, politique… Ralph est non seulement un grand artiste mais il est aussi un homme de culture, un amoureux de la France de surcroît.
Comment décririez-vous les images, la série que vous allez exposer ?
Ce sont des images qui vont étonner je crois. D’abord, il faut le préciser, il n’y aura pas de noir et blanc contrasté comme il nous en a donné l’habitude. Nous avons soigneusement sélectionné douze photographies couleurs, récentes, inédites, grand format (80 x 120cm env.) et produites sur une édition particulièrement limitée (huit exemplaires) ! Je dirais aussi que ce sont des images réellement « Gibsonniennes ». Elles sont évidement toutes prises au format « portrait », elles traduisent le regard vertical que Ralph Gibson porte sur le monde. Ce sont par ailleurs des photographies qui dégagent une réelle tension entre la figuration et l’abstraction, entre la réalité et l’interprétation, entre les arrières-plans et les premiers-plans. Elles mettent en exergue l’idée de frontières et d’opposition. Ce sont des oxymores visuels. C’est la raison pour laquelle nous avons choisi comme titre de l’exposition « Vertical Horizon » qui traduit parfaitement ces concepts.
Est-ce que Ralph Gibson sera représentatif de votre future programmation ?
Oui et non ! Oui, je l’espère pour ce qui est de la notion d’exigence. Je veux exposer des images fortes, des photographies qui interpellent, qui poussent à la réflexion, qui provoquent des émotions complexes. Des photographies qui sauront grandir, prendre de l’ampleur avec le temps. Et non, car je crois que c’est justement dans le mélange des genres que la galerie s’épanouira et que nos clients trouveront une satisfaction sans cesse renouvelée.
* Nous vous donnons rendez-vous la semaine prochaine, pour une nouvelle interview de Thierry. Si vous avez des questions à lui poser, n’hésitez pas à les partager avec nous (par email — [email protected]), nous les lui soumettrons dans notre prochaine interview.
EXPOSITION
Vertical Horizon
Ralph Gibson
Du 10 juin au 27 août 2016
Galerie Thierry Bigaignon
Hotel de Retz – Bâtiment A
9 rue Charlot, 75003 Paris
France
http://www.thierrybigaignon.com
http://www.ralphgibson.com