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Thierry Maindrault : Droits d’Auteur

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«Droits d’Auteur»

Chronique de Thierry

Il s’éloigne chaque jour davantage ce temps d’antan où les obligations se faisaient naturellement sans toutes les complications et les fioritures d’aujourd’hui. Il n’est pas question de vous ennuyer avec une nostalgie aigrie et les traditionnels: « c’était tellement mieux avant » ou le : « de mon temps ! ». Loin de moi un retour passéiste car il est dans la nature des choses qu’elles évoluent constamment que cela convienne, ou non, tant à la génération des anciens qu’aux générations de demain. Non, je souhaite juste fixer le constat d’une situation qui devient chaque jour de plus en plus préoccupante sur la valeur de la pensée humaine, de la création intellectuelle, en un mot, des œuvres de l’esprit.

Certes, nous sommes loin des années où je trouvais, dans ma boîte à lettres, ces mandats postaux en provenance de journaux, d’éditeurs de livres, d’éditeurs musicaux ou de tous autres producteurs de communication. Ces petites feuilles cartonnées qui étaient envoyées spontanément et qui permettaient un retrait direct, au bureau de Poste, des sommes issues des droits de communication, des droits d’utilisation, des droits de reproduction de mes photographies qui circulaient dans les expositions internationales ou dans les ateliers graphiques des éditeurs. Même les professionnels, situés dans des pays communistes et/ou collectivistes, se faisaient un point d’honneur de régler leur dû (même s’il était parfois infime) aux auteurs d’œuvres musicales, littéraires, ou graphiques. Je me dois d’ajouter que dans le plus grand nombre de cas le créateur recevait également un justificatif de l’utilisation qui avait été faite de son travail. Je vous accorde qu’il devait bien y avoir, de temps en temps, quelques personnages moins scrupuleux qui oubliaient l’envoi du mandat postal et/ou du justificatif.

Qu’en est-il actuellement ? Même s’il n’est pas pillé ou pilleur, chacun de nous ne peut pas ignorer la plus grande confusion attributive dans laquelle se trouve placé l’ensemble des œuvres imaginées, conçues et réalisées par un inventeur. Le monde entier, (mondialisation oblige) se sent obligé, comme pour exister, de copier, de dupliquer, de plagier, de dégrader, d’afficher, de diffuser, de violer, de détériorer et même de s’approprier le travail des autres. Bien entendu je n’évoquerai même pas le moindre aspect financier puisque; à la date d’aujourd’hui, tout appartient à tous. Ce qui au passage permet à quelques petits malins de s’enrichir grassement non pas en faisant fonctionner leurs méninges mais tout simplement en permettant à la plus grande masse possible une usurpation indécente de la propriété créative.

Telles sont les deux facettes de la situation de la création sur un demi-siècle d’écart, avec pour conséquence une détérioration mortifère de l’existence artistique.

Trouvez-vous normal qu’un créateur, un inventeur ou un concepteur ne puisse plus vivre (même avec un minimum vital de décence) de ses créations, de ses inventions, de ses conceptions ?

Trouvez-vous acceptable que ces individus (chercheurs, inventeurs et créateurs qui représentent, tous domaines confondus, la grande effervescence de l’évolution humaine) soient dans l’obligation d’aller mendier leur pitance. Ils doivent suivre d’incroyables dédales auprès de leur Etat pour quémander des subventions (directes ou dissimulées), auprès d’organismes publics ou semi-publics pour obtenir une avance (remboursable ou non) sur un travail déjà réalisé, auprès de mécènes pour la prise en charge de la diffusion de leurs travaux ? Lesdits parrainages ayant bien soin de s’assurer, en priorité, un substantiel retour sur investissement.

Quelle belle idée l’exception culturelle … pardon … l’illusion culturelle !

Vous l’avez compris, à très peu d’exceptions près, il n’y a plus beaucoup d’issues pour la création et pour tout ce qui devrait assurer l’évolution spirituelle de l’Humanité.

Enfin, jusqu’à présent l’auteur bénéficiait d’un droit irréductible et inaliénable sur ses œuvres : le droit moral de l’auteur. Il est à noter que ce droit se trouve même imprescriptible dans la mesure où il peut perdurer au-delà des droits accordés aux héritiers ou aux ayants droits.

Et bien, le croirez-vous, cerise sur le gâteau, nous venons de voir arriver dans le domaine de la photographie un fédérateur-destructeur de toutes les conceptions et de toutes les réalisations à l’aide d’un outil photographique.  Il s’agit d’une de ces très jeunes entreprises (jeune pousse) qui vient d’être portée sur les fonds baptismaux par un ensemble de financiers (banquiers, compagnies d’assurance-vie et autres fonds de pension), avec pour cadeau une petite mise de fonds de près de 300 millions de dollars. Cette petite parente d’Uber a pour intention déclarée de mettre en coupe réglée, dans le monde entier, l’ensemble des utilisateurs d’appareils photographiques et elle espère bien ainsi obtenir le monopole photographique. Vous achetez un appareil photographique musclé en « intelligence artificielle » et vous devenez le photographe du siècle car ‘Meero’ se chargera de tout pour vous. Cette omniprésente et tentaculaire entreprise vous trouvera le client, vous dira ce que vous devrez faire comme photo, elle assurera la sélection et la post-production (cette fois encore avec un outil unique d’intelligence artificielle), elle livrera et vendra la photographie, elle se chargera de récupérer l’argent, elle tiendra votre comptabilité à votre place. Restez calme et ne vous inquiétez de rien puisque ‘Meero’ fera tout pour vous. Vous voilà devenu un photographe heureux et salarié de cette magnifique future entreprise. Seul petit défaut dans cette sublime construction c’est que le salarié ne l’est pas et il ne touche qu’une très faible somme forfaitaire, il ne possède aucun droit sur son travail et surtout il ne peut travailler que si les gentils accompagnateurs de ‘Meero’ veulent bien lui attribuer une mission.

Génies et mauvais caractères devront s’abstenir !

Vous allez me trouver passéiste et un peu ringard ; mais, comme il se disait à l’époque : « cherchez l’erreur ? ». Quel vaste programme !

06 juin 2020

 

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