Thierry Bouët nous envoie son portfolio Écrivains accompagné de ce texte.
Pour être écrivain, il faut avoir le sens des mots qui vient en lisant. Il faut donc paradoxalement consommer avant de fabriquer. Les écrivains travaillent depuis chez eux, derrière un bureau bourré de manies. Le rituel horaire se trouve souvent à des heures où personne ne bouge.
L’imagination ne tombe pas du ciel, elle se travaille comme un muscle. L’obligation de fournir en partant d’une feuille de papier stimule les artères cérébrales. Arriver à vivre de ses rêves est une forme de bonheur reconnaissable au bruit qu’il fait en partant. La panne d’inspiration est mentalement redoutable.
En France, pays d’écrivains et de prix littéraires à conviction, le verbe garde ses lettres de noblesse. Les écrivains sont des curiosités dont la presse aime s’emparer. Ils font recette dans les gazettes. Pour les trouver, il faut passer par les magazines. Ils choisissent les auteurs, j’exécute. Autrement dit, aucun d’eux ne figure sur le fonds photographique par affinité. Ils proviennent du circuit des journaux dont je suis le commissaire. Il est plaisant de rencontrer des écrivains dont on connaît les textes sans le leur dire. Cela permet de les déchiffrer en toute discrétion.
Si j’avais été romancier, j’aurais eu le bonheur d’échapper à l’asservissement des lieux dans lesquels se déroulent mes rencontres. J’aurais donc écrit depuis une cabane polynésienne posée sur une plage avec air conditionné et service à volonté.
Thierry Bouët