Le photographe Stephen Dupont, lauréat 2007, dit à propos de la bourse W. Eugene Smith : « … quand on reçoit la bourse Smith, on est envahi d’un véritable sentiment de fierté et investi d’une mission : accomplir un travail digne du maître. Ça vous pousse à vous dépasser et à réussir ».
L’Œil Invisible fait depuis longtemps partie du conseil d’administration de la bourse W. Eugene Smith pour le photojournalisme. On l’appelle « prix Smith » ou « le Smith ». Consultez son site, vous verrez que la bourse survient souvent tôt dans la carrière d’un journaliste, à un moment où le financement permettant de finir un projet est particulièrement bienvenu.
À notre avis, le Smith est le prix de photojournalisme le plus prestigieux.
La liste des lauréats des années passées est une sorte de bottin mondain de la photographie contemporaine : Jane Evelyn Atwood en 1980, Eugene Richards 1981, Sebastião Salgado en 1982, puis Joseph Swyenkyj en 2014, Matt Black en 2015, Justyna Mielnikiewicz en 2016. Cette année, l’appel à candidatures a été lancé il y a plusieurs semaines, et la date de clôture est fixée au 31 mai prochain.
L’Œil de la Photographie a contacté d’anciens lauréats pour leur demander de parler de l’impact de la bourse sur leur carrière. Voici la réponse complète de Stephen Dupont, qui a reçu le prix en 2007.
« La bourse Smith a grandement contribué à me pousser à finir un projet au long cours sur les conflits en Afghanistan. Cela m’a permis de tourner la page et de publier mon travail sous forme de livre. J’ai envoyé ma maquette à Gerhard Steidl, ce qui s’est concrétisé quelques années plus tard par un livre. J’ai rencontré Gerhard pour la première fois en Allemagne : nous avions essayé de nous voir avant, en vain ; il a fait deux fois le voyage jusqu’en Australie et chaque fois je me trouvais en mission ailleurs. Alors je suis allé le rencontrer en Allemagne. Je n’oublierai jamais ce moment : j’étais assis face à lui dans sa bibliothèque tandis qu’il feuilletait ma maquette, et il a dit : » C’est pratiquement un chef-d’œuvre… Je veux publier votre livre ». »
Ce qui vous passe par la tête à ce moment-là ? D’abord la pure excitation d’être publié par Steidl, bien sûr, puis le soulagement de voir vingt années de labeur déboucher sur une conclusion. Et puis on pense à tous les gens rencontrés au fil de ce parcours, et dont l’aide et les apports ont porté le projet.
« Je pense que la situation aurait été bien différente sans le soutien et la reconnaissance qu’apporte la bourse Eugene Smith», dit Dupont. Mon livre, Génération AK : les Guerres d’Afghanistan 1933-2012 a ensuite été récompensé par plusieurs grands prix, notamment l’an dernier le prix Olivier Rebbot et a été élu livre-photo de l’année du Pictures Of the Year International (POYI). »
Depuis quelque temps, Stephen Dupont travaille « sur un projet à long terme sur le thème de la mort dans la culture et les rituels de diverses sociétés ». On peut voir l’avancée de son travail dans une vidéo en deux parties distribuée sur Netflix, en tant qu’épisodes de Tales By Light saison 2. Une bande-annonce permet aussi de le découvrir.
Cet automne, il revient chez Steidl pour « imprimer [son] prochain livre, Locks, Chains and Engine Blocks, dédié à Gene Smith ! ».
La bourse W. Eugene Smith de la photographie humaniste s’élève actuellement à 35 000 $ et est attribuée en octobre à un photographe dont le travail accompli et le projet en cours sont jugés par un panel d’experts, perpétuant ainsi la tradition de W. Eugene Smith et de son attachement pour la photographie engagée et la compassion dont il a fait preuve pendant ses quarante-cinq ans de carrière en tant qu’essayiste spécialisé dans la photographie. Le prix a été créé en 1978.
Cette année, la cérémonie se déroulera le mercredi 18 octobre 2017 au SVA Theater à New York. L’établissement ouvrira ses portes à dix-huit heures trente, l’événement est gratuit et sans réservation : premier arrivé, premier servi.
W.M. Hunt
W.M. Hunt est un collectionneur de photographies, commissaire d’exposition et consultant qui vit et travaille à New York. Il enseigne à la School of Visual Arts et fait partie du conseil d’administration de la bourse W. Eugene Smith. Son ouvrage intitulé L’Œil invisible (publié chez Actes Sud) est consacré à sa collection personnelle et constitue une compilation de photographies des plus intrigantes.
Le formulaire de candidature pour la bourse W. Eugene Smith de cette année est disponible à l’adresse suivante (avant le 31 mai) : http://smithfund.org/eugene-smith-grant