Du 30 mai au 13 juillet 2018, la galerie Lumière des roses, à Montreuil, propose une nouvelle exposition d’images retrouvées et de photographes inconnus. L’occasion de revenir sur la démarche singulière et appréciée de ses directeurs.
Depuis plus de dix ans, nous cherchons avec passion des images qui ne sont petites que par leur taille. Ce sont des photographies d’amateurs, pour la plupart des tirages argentiques noir et blanc produits par milliers au cours du XXe siècle.
Au départ, nous pensions naïvement que le champ d’exploration serait sans limite. Glanées sur les étals de marchés aux puces ou extraites d’albums de famille, il semblait qu’il suffisait d’ouvrir l’œil pour les cueillir, mais au fil des années, nous avons réalisé que la source se tarissait peu à peu. Bien sûr notre regard s’est aiguisé avec le temps, il est devenu plus exigeant, mais il y a d’autres raisons à cette impression d’une espèce en voie de disparition. Appelées « snapshots » (le terme américain signifie « instantané ») ou qualifiées de ce mot en vogue, « vernaculaire », ces images anonymes ont gagné au fil des années une légitimité au sein de l’histoire de la photographie.
Désormais, elles fleurissent dans les livres ou sur les cimaises des musées. Les collectionneurs sont devenus friands de photographie amateur, chacun constituant sa collection sur tel ou tel sujet ; aussitôt sorties de l’ombre, les pépites sont repérées et prises d’assaut.
Quant aux photographies prises aujourd’hui – près de 3000 images par seconde, postées sur Instagram ou autres réseaux sociaux – elles recèlent certainement aussi des trésors, mais en l’absence d’une sélection fine et surtout de transfert sur un support papier stable, elles ont toutes les chances de disparaître aussi vite qu’elles sont apparues, perdues à jamais dans les profondeurs des disques durs auxquels nous n’avons pas accès.
Pour toutes ces raisons, les images que nous cherchons sont devenues rares. En ouvrant les boîtes où repose notre collecte amassée au fil des années, il a fallu à nouveau opérer un tri, vérifier si le temps de cette jachère n’avait pas émoussé l’éclat premier qui nous avait saisis.
Après avoir remisé les nostalgiques, trait de caractère souvent associé à ces images aux bords dentelés, les erreurs photographiques, les amusantes et autres mignonnes, cinquante photographies sont apparues qui nous touchent par leur grâce, leur fantaisie, leur liberté. Cette liberté à laquelle aspire tout photographe, à l’instar d’André Kertesz qui disait : « Je suis un amateur et j’entends le rester. Regarder les amateurs dont le seul but est de recueillir un souvenir : voilà de la photographie pure ».
Voici donc the rose elephant. Nous ne nous lancerons pas dans une longue explication du titre. Dans le rose qui habille la galerie, il y a une certaine idée de l’aube, de la naissance de la photographie. Quant à l’éléphant, c’est une autre histoire. C’est le souvenir d’une photographie merveilleuse, trouvée dans l’innocence des débuts, joliment vendue, persuadés que nous étions de retrouver la même, ou bien sa sœur, la photo étant par nature reproductible. Malheureusement, ou heureusement, nous ne l’avons jamais retrouvée. C’est l’une des particularités de ces images qui les rend si précieuses : elles sont uniques.
Marion & Philippe Jacquier
Marion et Philippe Jacquier sont les directeurs de la galerie Lumière des roses, à Montreuil.
The rose elephant
Du 30 mai au 13 juillet 2018
Galerie Lumière des roses
12-14, rue Jean-Jacques Rousseau
93100 Montreuil
France