Olivier Culmann entame sa série d’autoportraits, The Others, entre 2009 et 2011, alors qu’il habite à Delhi. Il la poursuivra jusqu’en 2013. Pour réaliser ces images, le photographe est à la fois auteur, metteur en scène et acteur. Fasciné par les codes de la société indienne qui reste largement cloisonnée, Olivier Culmann s’est inspiré de personnages de cinéma ainsi que de la variété des éléments qui constituent l’identité de l’individu : religion, classe sociale, profession, origine géographique.
Le photographe ne cherche pas à catégoriser ni à caricaturer la société indienne, et encore moins examiner sa propre identité. Son travail analyse le jeu des conventions sociales qui modèlent notre image jusqu’à camoufler notre identité : « Pensant être, ces gens s’effacent eux-mêmes. (…) Ce que dit le visage commun, même grimé, de l’acteur, c’est le non-lieu du visage, l’absence de singularité au profit de l’intégration à la communauté d’origine. », souligne François Cheval dans son essai. Olivier Culmann développe une approche originale du document photographique qu’il décline en quatre phases, comme un recueil de nouvelles.
Phase 1 : portraits en studio photographique
Les studios représentés dans ces photographies sont des studios de quartier de différentes villes d’Inde, notamment Delhi et les régions environnantes, Chennai, Pondichéry et Bombay.
Phase 2 : portraits avec utilisation de matériels numériques
Dans les studios photo de quartier, il est habituel d’avoir un choix de fonds : rideaux à motifs, photographie murale ou paysages peints à même le mur. Lorsqu’un client vient se faire photographier, il peut généralement aussi emprunter divers vêtements mis à sa disposition le temps de la prise de vue. Depuis l’arrivée du digital, des fonds sont créés virtuellement sur ordinateur. Le client, dont la silhouette est préalablement détourée, peut ainsi choisir le fond (fond de studio reconstitué, paysage de montagnes suisse, Taj Mahal…) devant lequel il souhaitera figurer sur la photographie commandée. Les photographes proposent aussi des photos de corps sans tête, ou sans visage, généralement plaisants et bien habillés, sur lesquels il ne reste qu’à déposer la tête ou le visage du client, préalablement découpé puis replacé par le photographe/retoucheur numérique.
Phase 3 : recomposition et colorisation de photographies déchirées
La réfection de photographies de famille endommagées (par le temps, l’humidité, les déchirures…) est une pratique courante en Inde. Elle est notamment utilisée lors de décès pour restaurer une photographie emblématique du défunt. Celle-ci trône ensuite généralement sur le mur de la maison ou du commerce familial. Garante de la filiation, sa portée symbolique semble plus importante que la reproduction fidèle des traits physiques de l’ancêtre. S’appuyant sur cette pratique, Olivier Culmann a donné à différents laboratoires de retouche numérique la moitié d’une photographie déchirée. Il leur a ensuite demandé de reconstituer entièrement le visage, puis de le coloriser à leur convenance. Certains y ont ensuite ajouté un fond.
Phase 4 : peintures réalisées à partir de photographies
L’utilisation de la peinture est courante en Inde, notamment pour la réalisation d’enseignes de certains commerces ou, plus traditionnellement, pour la réalisation d’affiches de films. S’appuyant sur ce savoir-faire, Olivier Culmann a donné à un peintre de Delhi des tirages photographiques – en noir et blanc – et lui a demandé de les reproduire en utilisant différents styles (notamment issus de peintures d’affiches de films).
EXPOSITION
The Others
Olivier Culmann
Du 17 octobre 2015 au 17 janvier 2016
Musée Nicéphore Niépce
28 Quai des Messageries
71100 Chalon-sur-Saône
France
http://www.museeniepce.com
http://tendancefloue.net/olivierculmann/