La photographie en provenance du Moyen-Orient reste assez peu visible aux Etats-Unis, et l’image de la région est principalement modelée par les journalistes couvrant les conflits et autres réalités brutales qui agitent ces pays depuis leur époque coloniale. La femme y est immanquablement représentée voilée, opprimée, privée de liberté dans une société patriarcale autoritaire, ou comme une beauté orientale intouchable au regard noir pénétrant quand il n’est pas barré par un chador. Entre exotisme et simplification culturelle, le Moyen-Orient des femmes est codifié jusqu’a la caricature.
La galerie Howard Greenberg propose de revenir sur la construction de ce mythe en exposant en parallèle des photographies des années 1940-60 et des travaux contemporains. Les images anciennes sont celles de Margaret Bourke-White, pionnère du photojournalisme moderne, qui a réalisé en1940 un long reportage en Syrie pour le célèbre journal LIFE, témoignant des interventions militaires contiribuant à la construction du pays ainsi que de la splendeur architecturale et culturelle de la région : les sites antiques, les régiments francais, britaniques, mais aussi les villages, les déserts, les bédouins, l’animation des rues. L’ensemble est complété de quelques autres images de presse un peu plus tardives, notamment celles de Ralph Crane pour LIFE au début des années 60.
La disruption curatoriale consiste à associer ces images résolument occidentales et datées d’un demi-siecle ou plus à celles, récentes, réalisées par des femmes photographes arabes dont le travail consiste justement à interroger leur statut et les clichés associés. Assez explicitement, l’exposition est introduite par un portrait de Boushra Almutawakel représentant une femme voilée d’un drapeau américain. Le reste des travaux inclut une déconstruction de l’orientalisme classique avec notamment la série de l’Iranienne Shadi Ghadirian, imitant leurs poses, tenues et intérieurs ornementés et en y ajoutant des indices de l’émancipation contemporaine — une émancipation cependant toute relative dans la vision de la même Boushra Almutawakel, qui dénonce dans sa série Mother, Daughter, Doll ce qu’elle représente comme la négation de l’existence des femmes arabes contraintes de suivre un code sociétal et religieux annihilant. Voilées de noires sur fond noir, mères, filles et poupées se distinguent à peine — seuls les visages et les mains ressortent de la triste monochromie, jusqu’à complètement disparaître de l’image : de façon glaçante, la dernière photographie de la série est un tirage uniformément noir.
EXPOSITION
The Middle East Revealed: A Female Perspective
Margaret Bourke-White: Syria in 1940
A Selection of Photographs from LIFE Magazine
Jusqu’au 1er août 2014
Galerie Howard Greenberg
The Fuller Building 41 East 57 Street Suite 1406
New York, NY 10022
USA
Aussi à la galerie: Joel Meyerowitz – The Effect of France