Bien qu’elle n’ait été redécouverte que récemment, Sibylle Bergemann est l’une des photographes les plus connues de l’ex-RDA. Son approche sensible des réalités de la vie en Allemagne de l’Est et son point de vue subjectif bien reconnaissable lui permettaient de réaliser sans cesse de nouvelles images poétiques à partir de la réalité, ce qui caractérise ainsi son œuvre. Bergemann a appris la photographie dans le milieu des années 60 auprès d’Arno Fischer, un photographe qui par la suite est devenu son mari. Elle est passée maître dans de nombreux genres, du portrait au paysage, des photos de mode au reportage. À partir des années 70, elle a commencé à travailler pour des publications culturelles comme Sonntag, Das Magazin ou Sibylle.
Le paysage urbain de Berlin est le sujet central de l’œuvre de Bergemann. Elle a pris des clichés de monuments prestigieux et de sites incontournables de l’organisation urbaine de l’Allemagne de l’Est – les plattenbau, le palais de la République – mais aussi du quartier Mitte, meurtri par l’histoire. Elle s’intéressait au Rand der Welt (le bord du monde), comme elle disait, c’est-à-dire à ce qui est unique, énigmatique, ce qui constitue un pied de nez à la conformité. Au moment de la réunification, le Mur, un temps démarcation séparatrice, puis transformé en trait d’union, devint son principal centre d’attention. Les photographies de fenêtres constituent un travail unique, et une publication posthume leur fut dédiée en 2011. Image dans l’image, ce sont à la fois des témoins de vie et des compositions abstraites. Ce sont des marques du présent et du passé, de la diversité et du déclin.
D’autres acteurs de la photographie en Allemagne de l’Est ont adopté la vue subjective de Bergemann. Tout comme Arno Fischer, Ursula Arnold et Evelyn Richter (toutes deux âgées d’environ dix ans de plus que Sibylle Bergemann) sont parmi les premiers photographes de Berlin-Est à avoir créé une mémoire collective s’opposant au point de vue officiel, offrant à la place leur propre vision, socialement engagée et personnelle. Arno Fischer a prises des images emblématiques de la réalité dans Berlin-Est et Berlin-Ouest avant la construction du Mur, tout en intégrant l’histoire de la ville par des observations banales. Fischer, Bergemann, Roger Melis et bien d’autres ont rejoint ce mouvement dans la seconde moitié des années 60, ce qui a mené à la création du groupe “Direkt” en 1969, pour représenter un langage visuel artistique engagé et indépendant.
Sibylle Bergemann, Der Rand der Welt
Du 29 avril au 1er septembre 2017
Kicken Berlin
Linienstrasse 161A D
10 115 Berlin
Allemagne