Ils sont une centaine à monter la colline de gravillons, fraîchement débarqués d’un cortège de bus scolaires jaunes, sous les applaudissements d’une brochette de photographes professionnels prestigieux. Ils ne savent pas à quel point leurs vies auront changé à jamais, quand ils descendront cette colline pour la dernière fois quatre jours plus tard. Bienvenue à l’atelier d’Eddie Adams !
Pendant quatre journées intensives, dans une grange construite au sommet de cette colline de la petite communauté de Jeffersonville, nichée dans les Catskill Mountains de New York, cinquante étudiants et cinquante professionnels (trois ans d’expérience ou moins) sont rejoints par des douzaines des plus grands photographes, directeurs photo, formateurs et fabricants de matériel photo du monde. La formation inclut des directeurs photo de Newsweek, Sports Illustrated, National Geographic, People, The New York Times, The Washington Post, The Los Angeles Times, The Detroit Free Press, The Associated Press, Reuters, et Getty Images… et bien d’autres encore. Et le coût pour les étudiants ? Rien du tout ! Il n’y pas de frais d’inscription puisqu’ils ont gagné leur droit d’entrée à l’occasion d’une revue de portfolios menée par le Conseil des directeurs de l’atelier.
Les étudiants ont eu la chance de voir leurs portfolios examinés par ces professionnels et de pouvoir travailler à leur côté dans des équipes constituées au sein de l’atelier. Si un photographe essayait tout seul de programmer une revue de portfolio avec toutes ces stars du journalisme, cela lui prendrait des années. Eh bien le temps d’un weekend d’octobre, ils sont tous là, et parfaitement disponibles !
L’emploi du temps des étudiants ressemble à celui d’un « camp d’entraînement », avec des conférences, des projections, des revues de portfolios, des cérémonies, des présentations et des remises de récompenses, le tout tassé dans une période de quatre jours. Et pour beaucoup de ces étudiants, il n’y aura pas la place pour un moment de « décompression ». Une ancienne élève de Barnstorm raconte : « Vous ne réalisez pas ce que vous venez de vivre avant d’être rentré chez vous depuis deux jours, c’est ahurissant ! » Evan Walker, qui a participé à l’atelier XIV, dit pour sa part : « Je suis un photographe différent maintenant. J’ai l’impression de faire partie d’un mouvement photographique. Prendre part à cet atelier a été la plus grande expérience de ma vie ! »
Barnstorm est sur le point de franchir une étape. L’année prochaine, il célébrera son vingt-cinquième anniversaire. Deux mille cinq cents étudiants auront alors franchi ses portes. Nombreux sont ceux qui ont démarré des carrières florissantes après leur passage à Jeffersonville. Parmi les anciens étudiants les plus notables, on trouve : Kwaku Alston, Nancy Andrews, Kristen Ashburn, Karen Ballard, Molly Bingham, Zana Briski, Chien-Chi Chang, Sarah Friedman, Lauren Greenfield, Justin Guariglia, Naomi Harris, Chris Hondros, Brooks Kraft, Vincent Laforet, Rick Loomis, Jon Lowenstein, Brian Plonka, Stephanie Sinclair, Ami Vitale et Clarence Williams III. Nombre d’entre eux reviennent en tant que conférenciers ou professeurs.
Barnstorm est un rêve devenu réalité pour son fondateur, Eddie Adams, photographe couronné du Prix Pulitzer, dont le cliché le plus connu est sans doute celui de cet informateur Viet Cong exécuté dans les rues de Saigon. Beaucoup pensent que cette image frappante a aidé à changer le cours de l’engagement américain au Vietnam et a accéléré le retrait de l’Armée US. Eddie détestait parler de cette photo mais personne ne peut nier son importance. Eddie est mort en 2004 d’une sclérose latérale amyotrophique mais son esprit continue de vivre dans l’atelier qu’il a laissé derrière lui.
L’atelier a connu son apogée la nuit dernière, lors de la remise de prix aux étudiants, allant du matériel photographique à des bourses pour réaliser des projets personnels… tous distribués par l’organisation et les sponsors merveilleux, comme Nikon, qui fait partie du projet depuis sa création.
Cette année, il y a eu aussi des récompenses distribuées en l’honneur d’anciens étudiants et du photographe de Getty Chris Hondros ainsi que de son collègue Tim Hetherington… qui ont tous deux perdu la vie en couvrant l’insurrection libyenne. La fiancée de Chris, Christina Piaia était présente pour remettre personnellement le trophée au lauréat de cette année lors d’une cérémonie très émouvante.
Le dictionnaire définit le mot magique comme le pouvoir d’influencer visiblement les événements à l’aide de forces mystérieuses ou surnaturelles. Il ne fait aucun doute dans mon esprit qu’il y a des forces mystérieuses et surnaturelles à l’œuvre à Barnstorm. Et c’est cette « magie » qui m’a fait revenir chaque mois d’octobre durant les vingt dernières années.
James Ken Colton
Octobre 2011, Jeffersonville, État de New York