Rassemblant cinq années de photographie, Aseptic Field, le deuxième livre de Lean Lui, est une autopsie sensuelle et sensorielle de la perte de l’innocence. L’ouvrage nous fait retrouver le goût de la photographe Hongkongaise pour la métaphore, qui lui permet d’invoquer un univers tourné vers le féminin et toujours ancré dans le rêve.
Le terme « aseptic field » décrit dans le langage scientifique un milieu stérile, un espace préservé de toute bactérie. Lean Lui l’emploie ici pour faire un parallèle avec sa propre intimité, qu’elle conçoit comme un sanctuaire aseptisé que le lecteur viendrait envahir, à la manière d’un corps étranger. Au fil des pages, la grâce des images aux tonalités opalines est ainsi peu à peu perturbée par des scènes plus sombres, puisant dans une atmosphère menaçante et mystérieuse. Peu à peu, le monde se corrode jusqu’à perdre ses repères. Le lecteur se trouve plongé dans un cauchemar qui le surprend pourtant par sa délicatesse.
Ce balancement entre rêve et cauchemar, entre fascination et répulsion, se ressent jusque dans la peau. Aseptic Field met nos sens en éveil. Le lecteur goûte tantôt la douceur de la nacre ou d’une étoffe, tantôt des textures plus visqueuses et parfois rugueuses. Entre ces images frôlant l’abstraction, des portraits de sa sœur évoquent des jeunes filles inaccessibles car confinées à leurs pensées ou nous tournant le dos, conférant à l’ensemble une certaine mélancolie.
Pour Lean Lui, cette invasion du lecteur qui, comme une bactérie, vient perturber la pureté de son intimité, fait écho à la vie venant elle-même contaminer l’âme humaine et altérer son innocence de ses épreuves. Aseptic Field sonne alors comme un abandon de la candeur adolescente pour pénétrer dans l’âge adulte. Un rite de passage vécu par Lean Lui elle-même et dont le livre incarne la mémoire. Un livre sur lequel il semble difficile de mettre des mots, tant la poésie de ses images est éloquente.
Lean Lui — Aseptic Field
Édité par Setanta Books
134p, 240 x 190 mm
Couverture reliée à la main