D’origine indienne, Sameer Kermalli est né à Dar es-Salaam, où il réside toujours. Son premier appareil photo, un Fujifilm 110, l’accompagne durant toute sa scolarité. À la veille de son départ pour l’université d’Ankara, en Turquie, son père lui offre un Olympus. De retour en Tanzanie, Sameer collabore au magazine d’une compagnie aérienne nationale. Il investit alors dans le Nikon D-SLR qui ne le quittera plus. Il est photographe free-lance depuis 2009.
Pour cette série, Sameer a utilisé une optique macro, à l’opposé exact de la pratique qui prévaut au pays du safari photo. « Je me sers un verre de jus de rose lorsqu’une gouttelette de sirop coule le long de la bouteille et se répand sur le comptoir. Une seule petite goutte suffit à nourrir une centaine de fourmis. L’éclaireuse, d’abord, qui, après s’être sustentée, rentre à la maison signaler aux autres le trésor qu’elle a trouvé. En quelques secondes se forme une file de fourmis allant et venant. Dans un sens, la ligne noire, dans l’autre, la ligne rouge : la couleur provenant du sirop ingurgité. Partout où il y a de l’eau et de la nourriture, les maisons de Dar es-Salaam ont le “privilège” d’être visitées par de petites fourmis noires. Elles s’activent à la recherche de miettes qu’elles rapportent chez elles, dans le béton fissuré des maisons. Pendant les grosses chaleurs, il semble qu’elles préfèrent l’eau. Je les ai vues encercler un verre d’eau glacée couvert de condensation, puis transporter l’eau jusque chez elles. Je me demande bien ce qu’elles en font… Arrive un moment où l’affluence est telle qu’il n’y a plus assez de place autour de la goutte. Les secondes grimpent sur le dos des premières dans le but d’attraper ce qu’elles peuvent, mais pas par avidité : elles collectent l’eau pour les retardataires. Amoureux de la nature, je suis souvent émerveillé par les leçons de vie qu’elles prodiguent. Mes fourmis et moi cohabitons bien. J’ai plaisir à leur laisser des miettes, parfois accidentellement, parfois sciemment. En retour, elles font le ménage en ramassant un tas de choses que je ne voyais même pas. »
Françoise Huguier, commissaire
Texte extrait du livre-catalogue « Photoquai » coédition Musée du Quai Branly- Actes-Sud