Né en 1967, Mwanzo Millinga pratique la photographie depuis 1994 et l’enseigne au Flame Tree Media Trust de Dar es-Salaam, en Tanzanie. Admirateur de Picasso, il se dit influencé par Sebastião Salgado, dont il apprécie particulièrement le travail sur les mineurs brésiliens, et par Henri Cartier-Bresson. Même s’il a toujours un flash sur lui, Mwanzo Millinga privilégie la lumière naturelle, pour mieux restituer l’atmosphère des scènes photographiées.
« C’est l’admiration que je leur porte et leur beauté qui m’ont conduit à photographier les personnes atteintes d’albinisme, ce défaut héréditaire de pigmentation caractérisé par des cheveux, des yeux et une peau extrêmement pâles. Leur fragilité fait qu’ils meurent généralement autour de 40 ans. En Tanzanie, où une croyance tenace leur attribue des pouvoirs magiques, les albinos sont persécutés. Dans la région des Grands Lacs, frontalière avec le Burundi, des charlatans vendent aux mineurs et aux pêcheurs amulettes et potions confectionnées à partir de morceaux de peau, de cheveux ou d’organes d’albinos, promesses de bon filon et de pêche miraculeuse. Pour pratiquer leur épouvantable commerce, les sorciers payent des tueurs qui traquent les albinos à travers tout le pays. Cinquante-sept personnes atteintes d’albinisme auraient été assassinées ces dernières années en Tanzanie. Les albinos de ce pays, dans l’insécurité permanente, n’ont d’autre choix que de vivre cloîtrés, sans pouvoir travailler pour gagner leur vie. Je suis donc allé photographier ceux qui ont trouvé refuge au Centre de Kabanga, à Kasulu, dans la province de Kigoma. Je leur ai tendu un cadre, à manipuler à leur guise, comme un symbole de leur vie entre quatre murs. Je suis convaincu que la beauté résulte de deux composantes : intérieure, qui inclut la personnalité, l’intelligence, la grâce, la politesse, le charisme, l’intégrité, l’élégance, et physique, qui englobe la santé, la jeunesse, la symétrie du visage et le teint. Les albinos ne dérogent pas à ces critères et méritent d’être chéris pour ce qu’ils sont : beaux. »
Françoise Huguier, commissaire
Texte extrait du livre-catalogue « Photoquai » coédition Musée du Quai Branly- Actes-Sud