Chao-Liang Shen est né en 1968 à Taïwan. Diplômé de l’université, section arts appliqués, il a été photojournaliste au Liberty Times avant d’entamer des recherches personnelles dès 1993. Ses images sophistiquées, en noir et blanc ou en couleur, lui ont valu une reconnaissance nationale et internationale.
À Taïwan, l’o-pei-la est un divertissement très prisé. Ses origines remontent à la fin de l’ère Meiji (1868-1912), alors que l’île était sous domination japonaise. L’opéra traditionnel taïwanais étant censuré, les acteurs n’eurent d’autre possibilité que d’inventer un nouveau genre, combinant théâtres occidental, asiatique et opérette, qu’ils baptisèrent non sans humour o-pei-la. L’une de ses particularités est qu’il est joué en plein air, devant un public conquis d’avance par les moyens délirants déployés pour le divertir : décors de montagnes enflammées, héros flottant dans les airs… Aujourd’hui, l’un des meilleurs représentants de cet art iconoclaste et bon enfant est le Golden Bough Theatre, le « Théâtre de la branche dorée », fondé dans les années 1990.
En parallèle s’est développée à Taïwan depuis les années 1970 une culture de cabaret qui, elle aussi, bouscule les codes. Un joyeux foutoir chanté et dansé qui emprunte aussi bien au burlesque américain, avec ses effeuilleuses, qu’à la tradition des jongleurs et des danseurs. Appelées aux quatre coins de l’île pour animer noces, funérailles et cérémonies religieuses, les troupes se déplacent à bord de camions-décors, qui font partie intégrante du spectacle, et volent parfois la vedette aux acteurs. Les artistes amateurs sont enseignants, étudiants, employés de banque… « Sous leurs habits de lumière, ils restent des gens ordinaires qui n’aspirent qu’à une vie meilleure », fait remarquer Chao Liang Shen, qui a consacré plus de deux ans à ce projet. Ouvrant une fenêtre sur cette scène (stage) populaire, il montre un aspect méconnu de la société taïwanaise, à laquelle il est très attaché, tout en rendant compte de son évolution.
Sylvie Rebbot, Nian Zeng, commissaires
Texte extrait du livre-catalogue « Photoquai » coédition Musée du Quai Branly- Actes-Sud