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T3 Photo Festival Tokyo – Une invitation à la curiosité

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Le T3 Tokyo Photo Festival se déploie dans le quartier de Nihonbashi dans des lieux insolites. Tour d’exploration.

Technologie, talent et tolérance. Le T3 Tokyo Photo Festival se rassemble autour de ces trois mots commençant par la lettre T, en écho à la théorie de Richard Florida, The Rise of Creative Class (2002). En déambulant parmi les expositions du programme officiel comme dans son programme satellite, il faudrait y ajouter un quatrième mot : tribulation.

Si le festival et sa foire se regroupent principalement dans le bâtiment du Midtown Yaesu, le festival se déploie dans les rues du quartier d’affaires de Kyobashi. Toutefois, qualifier Kyobashi de ce mot ordonné rend mal justice à un enchevêtrement d’immeubles anonymes montés les uns sur les autres, surplombés de gratte-ciel gigantesques, écorchés de travaux, et chatouillés de petites gargotes fumantes ou désœuvrées.

Kyobashi est à l’image de Tokyo, dans sa composante la plus contemporaine, la plus affairée peut-être, quadrillés de grands boulevards à l’américaine et sillonée de minuscules venelles où s’endorment des bureautiques de tampons et nouilles au distributeur. Le quartier résonne de travaux, crevé parfois dans son horizon vertical d’un gigantesque chantier, d’un terrain vague promis à la démesure, et qui en attendant est foré méthodiquement par de gigantesques grues.

Discrètement, et c’est là le plaisir d’y farfouiller, la programmation satellite s’y déploie tout autour de la gare centrale et du lieu principal du festival. Ce sont les portraits de Yuta Fuchikami dans l’escalier menant aux toilettes du pub Nihonbashi Philly ; le portrait de la pâtissière et sucrière qui tient le café Momoroku, chez elle, par ce même Fuchikami ; ou, devinez quoi, les scènes au petit matin éthérées de ce décidément bien farceur Fuchikami sur les murs du restaurant Kimura.

Le festival nécessite une attention particulière. Il est à l’image de Tokyo, pour celui qui ne connaît pas la ville, une invitation aux détails, à forcer sa nature, à y pousser la porte, à entrer dans les ruelles. Il se veut inattendu dans ces lieux, dans cette ville où ce qui est façade n’est pas nécessairement réalité ; ou réalité se cache derrière la première vue, derrière le faux-semblant.

Il demande une attention, un ralentissement, une exigence de l’attention. Ainsi la très belle série d’Ayaka Endo, « Luminescence Land », se pose discrètement sur les barricades nombreuses entourant de discrétion, ou l’inverse, c’est selon, d’un chantier de la tour en construction Yaesu Nakadori. Chantier gigantesque, palissade énorme, mystère de ce qui est construit qui jure avec la subtilité des photographies courant sur la tôle de fer. La palissade, lieu du temporaire, souvent ignorée, et qui par un esprit revêche, renverse sa propre fonction pour accueillir l’appel à la nature de Nakadori. On y voit les chevaux sauvages de plaines de Tono, au nord du Japon et la série s’oppose avec force au ballet des travailleurs longeant le boulevard tout au long de la journée. De l’ensemble émane une grande douceur, puisant dans l’éternel attrait pour la liberté, le sauvage, le mythologique.

Autre chantier, autre palissade, autre exposition au coin de la rue suivante. Hiroyuki Takenouchi pousse le regardeur à s’interroger sur l’espace et le temps. Sa série « Warp and Woof » met sur le même plan ses sujets (portraits, paysages et détails) pour souligner l’importance de la vision dans la manière dont nous appréhendons l’image — le glissement d’un angle ou d’un point de vue nous invitant à reconsidérer en permanence une image, et donc la compréhension que l’on se fait de celle-ci. Néanmoins, son travail quelque peu conceptuel résiste moins bien à la confrontation directe de la rue, à son anonymat voire à sa relative indifférence.

Enfin, le festival sautille également de hall d’entrée en vestibule. C’est le cas de l’exposition « New Japanese Photography In New Light », pensé par tantôt sur des cimaises de bois, tantôt avec des tirages monumentaux. Pensée par la conservatrice honoraire du SFMOMA, Sandra S. Phillips, l’exposition investit cinq lieux différents et prend le contrepied de l’exposition historique du MoMA « New Japanese Photography ». Celle-ci présentait quinze artistes (tous masculins) et fut considérée rétrospectivement comme le révélateur de la scène japonaise photographique. En retrouvant ces mêmes figures devenues pour certains emblématiques de l’art photographique japonais (Yasuhiro Ishimoto, Shomei Tomatsu, Daido Moriyama, Eikoh Hosoe), mais en les éclatant dans différents lieux, la commissaire permet aussi de se défaire d’un discours englobant, visant à les rassembler en un même mouvement, en une même génération, et invite chacun à se repencher sur le plus fondamental : de l’image à l’œuvre.

 

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