Il y a cinquante ans, le MoMA présentait l’exposition « New Japanese Photography ». Le T3 Photo Festival Tokyo célèbre cette exposition légendaire, qui ouvrit une connaissance bien plus vaste de la photographie japonaise d’après-guerre.
Yasuhiro Ishimoto (1921–2012), Shomei Tomatsu (1930–2012), Kikuji Kawada (1933–), Masatoshi Naito (1938–), Hiromi Tsuchida (1939–), Masahisa Fukase (1934–2012), Ikko Narahara (1931–2020), Eikoh Hosoe (1933–), Ken Ohara (1942–), Shigeru Tamura (1947–), and Bishin Jumonji (1947–).
Invités par John Szarkowski, directeur du département de la photographie du MoMA Photography Department et du critique japonais Shoji Yamagishi, ces quinze photographes, tous des hommes, incarnaient en 1974 le présent de la photographie japonaise. Avec plus de deux cents œuvres exposées, toutes réalisées entre 1950 et 1973, elle témoignait de la diversité des pratiques dans un Japon d’après-guerre soutenue par une économie reconstruite, à l’exemple des premières firmes photographiques inondant le marché international. Elle disait l’attrait poisseux pour les bas-fonds de Daido Moriyama, l’esthétique géométrique de Ken Domon ou encore les flous déjà envoûtants de Shomei Tomatsu.
L’exposition eut un retentissement conséquent aux États-Unis comme en Europe. Elle fut non seulement la première exposition rassemblant des photographes japonais en dehors de leur pays, mais elle inspira de très nombreux photographes occidentaux et renforça la carrière de certains, à l’image de Daido Moriyama. Elle ancra enfin l’importance de l’édition photographique dans la diffusion d’une œuvre, à l’inverse des photographes occidentaux préférant le format de l’exposition.
Au Japon, l’exposition permit, comme un retour de boomerang, à sa société de considérer un art photographique jusque-là délaissé ou méprisé. Elle éclaira les consciences. Elle fut une introduction à la photographie japonaise contemporaine. Néanmoins, comme toute tentative de rassemblement, comme tout geste de synthèse, l’exposition du MoMA présentait quelques lacunes, à commencer par l’absence d’artistes femmes et l’oubli de figures criantes après coup.
« New Japanese Photography » fut aussi la première pierre d’une série d’expositions consacrées à des figures marquantes de l’art japonais. En quelques sortes, l’exposition du MoMA modela un topos de l’exposition photographique, celui du passage en revue. Par la suite, les expositions aux États-Unis comme au Japon, voire en France, cherchèrent régulièrement à montrer l’état de l’art photographique au Japon et à rassembler sous une même bannière, et ce malgré des esthétiques et approches parfois différentes, des générations d’artistes. En 2008, ce fut ainsi l’exposition « Heavy Light: Recent Photography and Video from Japan » à l’ICP ; en 2015 ; « Another Language. Eight Japanese Photographers » aux Rencontres d’Arles, la même année ; « Japanese Photography from Postwar to Now » au SFMoMA et « Provoke» en 2016. L’exposition donna également lieu à des campagnes photographiques d’acquisitions importantes dans les musées, à l’image du MoMA bien sûr mais également du SFMoMA ou du MFA Boston.
Comme un autre hommage à cette exposition désormais historique, le festival propose une relecture des œuvres des quinze photographes montrés à New York dans des tirages de très grande taille, dans des projections ou dans des tirages sur matériaux, technologies alors impossibles à l’époque. Ainsi les clichés de manifestation de Tomatsu s’accolent à un panneau de porcelaine tandis que Bishin Jumonji se déplace du papier photosensible à un tissu de chanvre.
En contre-pied, le festival propose également une revue de la photographie japonaise contemporaine de 1974 à 2024, avec les œuvres de Sayaka Uehara, Misun Gang, Motoyuki Shitamichi, Mayumi Hosokura, Kohei Fukushima, Shingo Kanagwa et Natsuki Kuroda. Une revue forcément parcellaire, qui s’inscrit dans la lignée de l’exposition du MoMA par son ouverture et la pertinence de ses choix artistiques.
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