Je suis parti à Juba début janvier, photographier le déroulement du référendum sur l’indépendance du Sud Soudan. « Ils n’y arriveront jamais » entendait on partout. Non seulement ils y sont arrivés le jour J, le 9 janvier mais en plus ça c’est très bien passé. Les hommes et femmes ont mis leur plus beaux habits pour aller voter malgré des files d’attentes de plusieurs heures. Les gens étaient fiers et heureux, grâce à ce vote, ils s’appropriaient enfin leur destin.
Une fois l’euphorie du référendum passée, je suis parti au à Malakal où la réalité et les difficultés auxquelles doit faire face le nouveau gouvernement et un pays entier sont énormes. Des milliers de rapatriés arrivaient par bateaux, camions, bus, fuyant les discriminations du Nord et rêvant d’une vie meilleure sur leur terre d’origine. Des familles entières débarquèrent au stade de Malakal pour y attendre un cousin qui les emmèneraient au village, un frère pas vu depuis 25 ans ou un mari militaire censé avoir tout organisé pour leur nouvelle vie. Quasiment aucune infrastructure gouvernementale ne les aide. Je suis alors parti à la frontière avec le Nord, à Renk où j’ai embarqué sur une barge de 1 700 personnes fuyant Khartoum, une véritable ville flottante sur le Nil Blanc. Les familles et leurs meubles s’entassaient là, les jeunes écoutant du rap et buvant de l’acool frelaté les rendant agressifs, les vieux palabraient pendant que les femmes cuisinaient avec le peu qu’elles trouvaient à bord, et deux enfants dans chaque bras. Leur périple allait durer au moins un mois jusquà Juba.
Mais les difficultés du Sud Soudan ne s’arrêtent pas au conflit Nord/Sud, loin de là. Chaque ethnie veut être représentée au sein du nouveau gouvernement, et les déçus reprennent vite les armes, une fois la trêve du référendum passée. Je suis parti à la recherche de David Yawyaw, rebelle murle qui n’a pas pu retrouver son poste dans l’administration et qui a pris les armes en compagnie d’anciens miliciens, violant et tuant bon nombre de civils, tous murles ou presque. Pareil avec Georges Athor dans le Jonglei State, il a pris le maquis déçu de ne pas avoir eu le poste convoité. Les militaires SPLA sont sur les dents, et j’ai pu rencontrer et photographier Robert Gwang un rebelle shilluk qui pour le moment a déposé les armes et négocie avec le SPLM..En plus de cela, il y a aussi les conflits tribaux au sujet des terres, que le gouvernement, en l’absence de moyens et aussi de cartes et de documents fiables sur les territoires, peine à résoudre, ce bâton planté comme un défi, au milieu d’un désert d’herbes folles marque la frontière entre les dinkas et les murle.
Le Sus Soudan a gagné son indépendance mais face à tant de difficultés la communauté internationale ne doit pas les abandonner.
Sud Soudan – Benjamin Loyseau
Visa pour l’image – Perpignan
Projection au Campo Santo