« Sans sucre ajouté », « low sodium », « élevé au grain », « no corn syrup », « issu de l’agriculture biologique », « grass fed », « hyperprotéiné », « no fishy smell when cooking », « à l’ancienne », « fat free », « sans agent de saveur ni conservateur », « no concentrate », « enrichi en oméga 3 »… ou la poésie des frigos…
Apres In Your Room, et On your Roof, voila d’ou est parti le 3ème panneau de ma recherche en image sur l’intimité dans les mégapoles…
J’ai choisi cette fois de mener mon enquête dans mes deux villes de cœur : Paris et New York. J’ai chaussé mes bottes de journaliste et mes lunettes de sociologue et me suis lancée avec 3 questions en tête :
Que murmurent les frigos sur les choix alimentaires des citadins? Peut-on lire une culture à travers une étagère de réfrigérateur ? Le rythme effréné de la ville induit-il de nouveaux comportements alimentaires?
Ma démarche était simple: prendre rendez-vous pour une séance de portrait et une fois la séance terminée et sans que mon sujet soit au courant de mon projet, lui demander l’autorisation de compléter le portrait humain avec un portrait de frigo… Etrangement et pour la première fois en 3 ans de shoot pour ce projet, je me suis vue refuser plusieurs fois l’accès à leurs frigos. Comme si l’intimité se trouvait finalement plus entre la mayonnaise et les reste de poulet que dans une chambre.
De la, le pas a été vite franchi: le frigo serait il le miroir de l’âme?
J’ai lâché mes bottes et interrogations de documentariste pour toquer à la porte de l’univers gelé de mes sujets sans a priori, juste émerveillée par ce que je pourrai y trouver… Poupées, drogues, soies et cachemires, légumes bizarroïdes, bouteilles d’eau en série, post-it jaunes et autres mots d’amour… Un voyage étonnant…
Du côté de mes hôtes, l’expérience fut tantôt douloureuse « attendez que je range / lave / jette… », « ohlala une photo de mon frigo ? Mais la justement je n’ai pas fait les course et puis je n’ai pas eu le temps de faire le ménage ce week-end… », Tantôt dérangeante « mon frigo ? Mais quel est l’intérêt ? Vraiment vous les photographes, vous ne savez plus quoi inventer… », Tantôt amusante « Vous pouvez lire mon avenir dans mon frigo ? »
Apres une quarantaine de portraits New Yorkais et Parisiens, je rêve d’étendre l’aventure sur les 19 autres mégalopoles de la planète, pour compléter la carte d’un univers ludique et poétique qui murmure inlassablement les secrets des citadins du monde.
A suivre…
Stéphanie de Rougé
Stéphanie de Rougé vit à New York depuis 2006. Elle travaille comme photographe indépendante pour le The New York Times et enseigne la photographie numérique à l’International Center of Photography de New York.