« Distress » est l’aboutissement d’une plongée de plus de trente années au Royaume-Uni, pays profondément meurtri.
Cette description de la condition humaine, de ses frustrations interminables, entre ennui et résignation, réactualise les injustices profondes qui, tout au long du 20e siècle, ont plongé les peuples européens dans une tragédie sans fin.
Hier, le reniement de leurs valeurs humanistes par les nations européennes, aveuglées par la peur, a précipité nombre d’entre elles dans l’abjection totalitaire.
Aujourd’hui recrudescente, la détresse humaine demeure, quel que soit son visage – solitude, exclusion, chômage, racisme, antisémitisme – une menace réelle pour la collectivité quand un nombre infime d’individus accède au savoir, laissant la majorité dans l’ignorance et le mépris.
Stéphane Duroy, décembre 2010
« D’abord photographe de presse, Stéphane Duroy s’est peu à peu éloigné des médias pour développer ses projets personnels qu’il finalise dans des livres et des expositions. Il photographie peu, avec une grande économie de moyens et un traitement subtil et sans effet de la couleur (qu’il mêle au noir et blanc) pour explorer une Europe du 20e siècle marquée par deux guerres atroces dont il questionne la mémoire.
Lorsqu’il était reporter, il s’est tout particulièrement attaché à deux territoires, Berlin et la Grande-Bretagne ; il en a dressé un portrait en profondeur, se méfiant sans cesse des clichés pour restituer la complexité des situations et la diversité d’espaces trop souvent ramenés à des conventions proches de la carte postale.
Son parcours en Europe est marqué par une tonalité sourde, grave mais sans pathos, qui installe un temps d’où l’anecdote est absolument exclue pour laisser place à une forme de désolation. Son sentiment d’un passé douloureux sur lequel se fonde le présent nous oblige à l’inquiétude.
Chaque image est mue par une nécessité intérieure, une réflexion profonde et désabusée sur le sens d’une histoire au cours de laquelle l’homme ne tire pas les leçons des horreurs qu’il a commises ou dont il a été complice.
Le calme et la détermination qui fondent le propos imposent autant une pensée qu’une approche visuelle. Tendue entre le moment de la prise de vue et le fait qu’elle est confrontée à l’Histoire, la photographie semble redéfinir notre conception de la temporalité.
Poursuivant une approche à la fois documentaire et conceptuelle, son œuvre installe un constat désabusé sur le 20e siècle et ses conséquences contemporaines. »
Christian Caujolle
Stéphane Duroy – Distress
Festival Photographique l’Œil Urbain
5 avril – 19 mai
Commanderie Saint-Jean
Corbeil-Essonnes