Feuilles
Des classiques grecs à nos jours, la littérature utilise métaphoriquement les feuilles pour exprimer l’éphémère et le précaire. Une allégorie parfaite de la fugacité humaine. Giuseppe Ungaretti, poète et soldat de la Première Guerre mondiale, dans sa composition « Soldati », s’exprime ainsi: « On est comme / en automne / sur les arbres / les feuilles ».
Ici résonne l’avertissement de Qoheleth : « Vanitas vanitatum, et omnia vanitas », une leçon de sagesse répudiée par une société, celle de l’Occident, qui cache la mort de toutes les manières, banalisant ainsi la vie.
La déclinaison photographique du thème est réalisée avec un scanner, sur lequel j’ai placé quelques feuilles ramassées au sol en fin de cycle de vie. Feuilles choisies sans attention particulière aux données esthétiques, car toutes, ayant participé à ce mystère insondable qu’est la vie, ont une égale dignité.
Le scan numérique révèle un microcosme harmonieux dans chaque feuille, dans l’innervations duquel l’image d’un arbre semble se reproduire.
Le premier élément que j’ai essayé de rendre est l’architecture des lignes porteuses, déterminées par une géométrie variable selon les espèces végétales, mais qui répondent toutes à une seule fonction: la photosynthèse; des lignes qui finissent par se déchirer en réseaux de plus en plus épais et fins, générant des textures imaginatives d’une complexité et d’un intérêt graphique extraordinaires. La leçon de Paul Klee a été inestimable dans cette recherche.
Le deuxième élément est la couleur, qui assumant les nuances les plus imprévisibles est un témoin muet de la vie qui se dégage encore de la feuille.
Il a semblé plus efficace, à des fins expressives, d’étudier les coupures, en évitant une représentation documentaire d’intérêt purement botanique, visant plutôt à composer des images avec des motifs abstraits, résultant de lignes, de textures, de couleurs et de luminances.
Loredana De Pace