Je suis une fidèle de Visa pour l’Image. Au titre de mon magazine ELLE bien sûr, qui est partenaire du festival de photojournalisme depuis 2003, mais aussi à titre personnel.
Visa pour l’image est plus que l’indispensable rituel qui consiste à s’immerger pendant quelques heures, une fois par an, dans un bain d’images impressionnantes, parfois spectaculaires, si souvent bouleversantes. C’est créditer l’idée que face au spectacle du monde, à ses excès, ses colères, sa petite et sa grande histoire, il y a le regard de femmes et d’hommes qui choisissent de témoigner, de porter l’image comme d’autres portent la parole. Au prix de leur vie parfois, au prix d’une grande charge émotionnelle qui fait que souvent on rentre d’un reportage en étant ni tout à fait le même ni tout à fait un autre. Les lettres de noblesse du photojournalisme sont nées de la guerre, des conflits. Mais dorénavant il se déploie aussi dans tous les interstices de la vie quotidienne et c’est sa chance car nous seront toujours terriblement curieux de la vie de nos contemporains.
Aujourd’hui où la multiplicité des sources existent, aujourd’hui où l’histoire peut basculer par le biais de photos « tweetées » dans des manifestations (et tant mieux!), aujourd’hui où chaque citoyen grâce à la technologie peut se retrouver reporter de sa vie et de celle des autres ( et encore tant mieux!), il ne faut pas voir le photojournalisme comme une citadelle en danger mais bien comme un travail journalistique qui possède une éthique certaine, et une valeur à nulle autre pareille: celle d’être le regard d’une femme ou d’un homme, irrationnel, complexe, unique avec toute l’ambivalence et l’ambiguité qui habite chacun de nous. Et c’est cette complexité, ce parti-pris, cette subjectivité qui fait la qualité, l’exception. Rien ne ressemble plus à une image qu’ une autre image mais rien ne ressemble moins à un reportage qu’un autre reportage. Le choc d’une expo c’est toujours une histoire, un passeur (le photographe) et un individu qui reçoit l’histoire avec sa propre subjectivité. Cette alchimie sera toujours irremplaçable. Nos magazines en auront toujours besoin. Et Visa sera toujours le lieu qui nous rassemble pour redire notre attachement à cette aventure humaine, artistique et journalistique.
Valérie Toranian
Directrice de la rédaction de ELLE