Même si la jeunesse ibérique semble aujourd’hui préoccupée par les incertitudes de son avenir, on commence à prendre conscience qu’en photographie, l’Espagne jouit d’une nouvelle scène délibérément originale et décalée. Après Antonio Xoubanova ou Ricardo Cases, issus de ce vivier de talents et révélés au Bal ou chez Mack, voici Fosi Vegue, fondateur en 2006 de l’école BlankPaper, à Madrid, et un peu le « grand frère » de ce collectif émergent.
XY XX est son premier livre de photographies. Il est publié par Dalpine, petite maison d’édition indépendante proche de cette communauté, et dont on peut attendre que de belles surprises au vu du jeune catalogue qu’elle propose. Dans cet ouvrage, Fosi Vegue a posté son objectif derrière une vitre, en face d’un immeuble dans lequel des prostituées amènent leurs clients. Le photographe rend alors compte de ces actes sexuels devenus « mécanismes de commande », qu’il a observés à travers les fenêtres de cette rangée de salles de « travail dissimulé ». Il est un témoin de ce qui doit rester invisible, et ses images mêlent à la fois suggestion, critique et beauté esthétique. C’est justement ce qui fait la complexité de cette série, dans laquelle de nombreuses photographies ressemblent à des tableaux charnels de la Renaissance. Derrière les rideaux, dans des cadrages énigmatiques, on décèle des morceaux de corps, toujours en mouvement, des positions, des visages ou des expressions, et ainsi les émotions du désir qui contrastent avec la nature même du sujet. Il est d’ailleurs aisé, sans connaissance de cause, d’apparenter ces actes à des manifestations de sentiments amoureux, tant l’aspect pictural de ces photographies renvoient charme et sensualité. Belles, souvent teintées d’un rouge du cœur, les images de XY XX touchent mais ont aussi le pouvoir de déranger.
Pour accentuer l’intrigue, Fosi Vegue a volontairement exploité le bruit numérique et renforcé la soi disant pauvreté de la qualité de ses photographies, alors que la plupart des photographes s’efforcent aujourd’hui d’effacer toute imperfection. Les images s’en ressentent alors de telle manière qu’elles se rapprochent encore plus de la peinture ou du dessin. Et ainsi jouent, à nouveau, avec les sentiments du spectateur. « La sensibilité exagérée utilisée pour couper le sujet brouille et altère le message, explique Fosi Vegue. Ce bruit accablant est notre propre subconscient, la sphère mentale où le sexe opère comme catalyseur de notre instinct, notre désir et nos contradictions. »
LIVRE
XY XX, de Fosi Vegue
Dalpine, 2014
Editing : Fosi Vegue + Eloi Gimeno
Maquette : Eloi Gimeno
Pré-presse : Víctor Garrido
108 pages
24 x 16 cm
Prix: 25 €
ISBN 978-84-617-0316-6
www.fosivegue.comwww.dalpine.com