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Spécial livres : Manifestations of the Spirit, de Minor White

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La rétrospective Minor White compilée par le commissaire Paul Martineau se lit comme une biographie, comme une compilations d’évenements et de sentiments qui ont marqué sa photographie — une œuvre « eccentric and intense », pour reprendre les deux premiers adjectifs du prologue de Tomothy Potts, directeur du J. Paul Getty Museum. Quand il décide d’être photographe, en 1937, Minor White est un jeune homme intéressé par la botanique et la poésie, il est homosexuel sans jamais en parler et tient un journal pour exprimer ce que la société lui défend d’affirmer explicitement.

La photographie allait l’aider à « équilibrer sa tendance naturelle à l’introspection avec son besoin d’être impliqué dans le monde », écrivait-il dans son journal. Moins d’un an plus tard, il enseigne la photographie en s’inspirant des principes défendus par le groupe f/64 dans les années 30 sous l’égide d’Ansel Adams, Imogen Cunningham, Edward Weston et Willard Van Dyke, et est embauché par l’Oregon Art Project — une branche de la Works Progress Administration. Il obtient également rapidement une reconnaissance internationale, ses photos sont vites acquises par le MoMA et exposées dans les institutions majeures des Etats-Unis.

Attiré par le poésie autant que par les corps masculins, sa photographie s’en fait la métaphore. Il appelle ses premières images des « équivalents », chacune reflétant une émotion complexe qui le tiraille. Erotisme et mysticisme se mêlent pour couvrir ce champ de l’invisible, jusque dans le titre d’une série de nus, The Temptations of St Anthony is Mirrors. Il justifiera plus tard, à propos d’une autre série : « A love of God can grow out of love for the flesh. » (« Un amour pour Dieu peut se développer à partir de l’amour pour la chair »). En dehors d’une période ou il s’essaiera à la photographie de rue, à la fin des années 40 à San Francisco — une symphonie qui, comme les plus grandes, restera inachevée —, il s’attache à l’abstraction, utilisant les formes, les matières et les formes « pour rendre le monde invisible de l’esprit visible à travers la photographie », explique Paul Martineau. L’aboutissement de ce vocabulaire visuel essentiellement ésotérique, le commissaire le voit dans la série The Sound of One Hand, qui fait d’ailleurs l’envoûtante couverture de l’ouvrage, avec sa forme de spirale — hypnotisante, presque, comme en clin d’œil à la méthode radicale d’hypnose qu’utilisait White auprès de ses étudiants pendant ses workshops.

La lumière découpe les lignes des corps comme des carrosseries et cache souvent l’évident — le sexe, dans ses nus masculins à l’érotisme implacable ; les découpes du rivage, dans ses paysages de Point Lobos — pour accentuer, par pouvoir suggestif, la poésie inhérente au réel. Il cherche à surprendre, en semant le doute sur l’objet photographié. Est-ce de l’eau gelée dans son mouvement, ou le vent qui agite une épaisse poussière ? Du métal ou du bois ? De la peinture craquelée sur un mur ou du papier froissé ? De la neige ou un duvet ? De la terre, du velours ? De la pierre ou de l’eau ? Un nuage ou un coup de pinceau brosse ? Un reflet de lune ou une tache sur un mur ? Une montagne ou un nuage ? Une vague ou une explosion nucléaire ? White n’a eu de cesse d’aller crescendo, et l’ouvrage est conçu selon cet ordre mi-biographique mi-émotionnel.

A partir des années 70, les formes deviennent plus clairement anthropomorphes, après le phallus et le vagin qui se dessinent dans les courbes des montagnes duveteuses, ce sont des visages qui apparaissent en lieu et place des plaques de rue et des façades. Des yeux semblent s’immiscer ici et là dans un symbole d’éternité — celle de la photographie et de White lui-même, comme le suggérait son amie Barbara Morgan après sa dernière visite au photographe : « Je me disais : son corps est parti, mais son âme ne partira jamais. Qui sait quelque chose des théories de la vie après la mort ? Mais cela m’a fait penser qu’il y a peut-être une vie après la mort. Il était tellement vivant spirituellement, mais il n’était qu’os. Son esprit était si intense. » Sa personnalité a donné son nom à l’ouvrage.

LIVRE
Minor White: Manifestations of the Spirit
Paul Martineau
Editions Getty Publications
200 pages

ISBN 978-1-60606-322-4
39,95 dollars

http://shop.getty.edu/

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