Le dernier numéro de Polka est dans les kiosques ! Pour ce numéro novembre/décembre, Wim et Donata Wenders sont à l’honneur sur la couverture du magazine, en résonance avec l’exposition qui se tient à la galerie Polka jusqu’au 9 janvier 2016. A cette occasion, L’Œil de la Photographie vous offre 20 exemplaires*.
Au sommaire de cette nouvelle édition, de nombreux sujets et reportages découpés en 3 chapitres : Polkaimage, Polkalemag et Polk’art. L’éditorial, « Au Pays de Marine et Nadine« , est signé Alain Genestar et nous le partageons avec vous aujourd’hui.
*Pour participer, il vous suffit d’envoyer un mail à [email protected] avec vos coordonnées postales. Les 20 premiers lecteurs à participer recevront Polka #32 à leur domicile.
Au Pays de Marine et Nadine
Une forte bourrasque a suffi pour les arracher. Les masques finissent toujours par tomber. La bourrasque, en ces jours et nuits de tragique transhumance, est un vent d’est qui souffle sur les frontières de l’Europe et menace de se transformer en tempête grondante si les nations de la région la plus riche du monde continuent de se perdre dans la cohue de leurs égoïsmes nationaux. C’est toujours dans les heures dramatiques que les êtres se révèlent tels qu’ils sont au fond de leur âme. Il faut une guerre pour distinguer le héros du lâche. Un accident brutal pour identifier qui, parmi la foule, va secourir ou va fuir la scène. Il faut cette actuelle déferlante d’étrangers pour savoir qui les accueillera en frères, qui les rejettera tels des envahisseurs. Désormais, on sait. On sait que globalement l’Europe n’est pas à la hauteur de sa réputation, de ses valeurs porteuses d’espoir et respectueuses du droit d’asile, inscrivant même celui-ci dans ses lois suprêmes.
On sait que la chancelière Angela Merkel, pourtant malcommode, est – pour reprendre l’image précédente empruntée aux temps de guerre – une héroïne. Car, en politique, il faut être un sacré héros pour sacrifier sa popularité sur une conviction admirable : ouvrir les bras à des centaines de milliers de réfugiés quand d’autres pays européens n’en acceptent que de maigres contingents. On sait que la France, si elle a pris sa petite part de misère à l’issue de chiches négociations, est coupable de non-assistance à des milliers de personnes en danger. Et le délit se commet sous nos yeux, à Calais. Au lieu de construire des abris décents, des hôpitaux, des sanitaires, on laisse des êtres humains en situation de grande détresse s’entasser dans cette “jungle”, où le plus fort écrase le plus faible, où les mafias rackettent les familles, où des rixes éclatent entre des communautés jetées les unes contre les autres. La municipalité de Calais fait face avec cœur, des bénévoles et des associations agissent magnifiquement…
Il y a de l’humanité, beaucoup, dans leurs gestes d’entraide. Mais le problème est d’une telle ampleur qu’il dépasse le cadre local. C’est aux pouvoirs publics de débloquer tous les moyens – au-delà des quelques tentes promises par le ministre de l’Intérieur – pour que la dignité des personnes soit respectée, pour que les habitants de la région se sentent épaulés dans ce qui, pour eux aussi, est une épreuve. C’est cette prise de conscience qui, au-delà de l’urgence humanitaire, limitera les effets dévastateurs de la récupération politique du drame. Ce que fait, avec indécence, le Front National.
On sait, dès lors, que le FN est toujours un parti raciste. Marine Le Pen, depuis qu’elle en avait pris la tête, s’efforçait de se distinguer de son père dont le programme se bornait à une posture et des volées d’insultes. Grâce – oui, grâce – à cette arrivée massive de réfugiés, le FN est réapparu tel qu’il n’a cessé d’être, et sa présidente est redevenue ce qu’elle a toujours été, une populiste dans la droite – extrêmement droite – ligne de Jean-Marie Le Pen, comme lui obsédée par l’immigration, qu’elle a replacée au centre de sa campagne. Or c’est pour elle et ses candidats que des Français vont voter en masse aux régionales. On dit que c’est à cause du chômage. Que c’est la faute de Hollande qui est mauvais, ou la perspective navrante d’un retour de Sarkozy… Peut-être. Mais dire cela, justifier ce vote, c’est considérer que ces électeurs sont des désespérés, des dépités revenus de tout, qui ignorent la portée des mots – tendance Morano –, se laissant piéger par une démagogie de comptoir. Excuser ce vote, c’est donc le “déresponsabiliser”. Ce qui, en démocratie, est une forme de mépris.
Pour garder le moral (ou le retrouver), lisez dans Polka #32 notre reportage sur Manon, cette jeune fille qui, au pays de Marine et de Nadine, a accueilli dans son petit appartement parisien une famille africaine. Puis regardez le sujet sur le pape François, avec ces photos étonnantes qui montrent combien cet homme sait donner de l’amour aux autres. Manon et le pape. Deux belles personnalités qui, chacune à sa manière, nous font du bien.
Alain Genestar